le collier sacré de Montézuma
galuchat vert à coins dorés où il avait consigné les informations présentant une éventuelle utilité, décrocha le combiné et demanda le numéro à la téléphoniste.
— Pour Vienne, une demi-heure d’attente ! répondit-elle à sa surprise incrédule.
— Pas plus ?
— Non, Monsieur ! À cette heure, les lignes sont rarement encombrées !
C’était une nouveauté qu’il se garda bien de faire remarquer. Quelques jours plus tôt, il avait attendu près de quatre heures pour obtenir sa femme au téléphone. Pourtant, vingt-cinq minutes seulement s’étaient écoulées avant qu’il n’entende la voix distinguée d’un maître d’hôtel. L’entretien ne dura guère. Pas plus de deux minutes. Rasséréné, Aldo avait raccroché :
— On dirait que notre chance tient bon. Il est à Paris pour une petite semaine…
— Et tu sais où le dénicher à Paris ? Si c’est chez l’un de ses cousins…
— Non. Lorsque qu’il n’est pas chez lui ou sur son yacht, il adore les hôtels de luxe. À Paris, c’est le Crillon, qui a l’avantage d’être à deux pas de la rue Saint-Florentin où son cousin Édouard habite l’ancienne demeure de Talleyrand et à trois pas d’un autre cousin, Robert, qui possède l’hôtel de Marigny en face de l’Élysée. Étant à presque égale distance des deux, il ne blesse personne. Je vais lui laisser un message…
— Tu t’y retrouves, toi, dans les Rothschild ? gloussa Adalbert.
— Non, avoua Aldo en riant. Il y en a trop. Rien qu’en France, trois branches – et je salue les membres de cette famille qu’il m’arrive de rencontrer dans les grandes ventes de joyaux ou d’objets précieux ! – sans compter les Anglais et les Autrichiens que représente le baron Louis. Encore les deux autres branches, celle de Francfort et celle de Naples, ont-elles disparu (16) .
— Grâce ! Ne me délivre pas un cours magistral sur les cinq flèches de leur blason, représentant les cinq fils que le vieux Mayer Amschel, le prêteur de Francfort, a lâchés sur l’Europe à la fin du XVIII e siècle. Je les connais aussi bien que toi ! Appelle plutôt le Crillon !
Aldo s’exécuta dans l’intention de laisser un message mais, comme il venait de le dire, sa chance semblait tenir bon. Le baron rentrait à l’instant et se montra enthousiaste :
— Quelle heureuse surprise que vous soyez à Paris en même temps que moi, mon cher prince ! J’avais justement l’intention d’aller, demain, saluer M me de Sommières et M lle du Plan-Crépin…
— Pardon si je vous choque, mais je voudrais que vous acceptiez seulement de déjeuner avec moi, justement demain si vous êtes libre, et au Ritz… Je vous expliquerai pourquoi. Il serait préférable que l’on ne vous voie pas venir rue Alfred-de-Vigny.
— Ah ! Au ton de votre voix, je devine qu’il se passe quelque chose… peut-être en rapport avec la curieuse disparition de M. Vauxbrun ?
— Exactement !
— En ce cas, voulez-vous demain à treize heures ?
— C’est parfait. Je vous attendrai…
Reposant le combiné, Aldo ajouta :
— Voilà ! On déjeune demain au Ritz à treize heures ! Naturellement tu m’accompagnes ?
— Sûrement pas ! N’oublie pas que tu risques d’être surveillé. De même que tu as eu raison de ne pas le laisser venir chez notre marquise, il vaut mieux que tu sois seul avec lui. Cela paraîtra plus naturel : une rencontre fortuite en quelque sorte… Avec moi, ça devient presque un concile…
Si les circonstances n’avaient été aussi dramatiques, Aldo eût été ravi de revoir le chef de la banque Rothschild autrichienne, parce que c’était un homme selon son cœur, qui, au fil des ans, était devenu un véritable ami. D’autant que les Morosini avaient fait leur voyage de noces sur son yacht. Aussi fut-ce avec un large sourire qu’il le vit pénétrer dans le bar de l’hôtel où il l’attendait, heureux de constater que six années ne l’avaient pas changé. Il est vrai que c’était un personnage hors normes.
Mince, blond, élégant, généreux, cultivé, d’un imperturbable sang-froid, le baron Louis était en outre bourré de talents variés. C’était un savant en botanique et en anatomie ainsi qu’un connaisseur, à la limite de l’expert, dans tous les arts. Grand chasseur devant l’Éternel, il montait à cheval mieux qu’un centaure – il était même l’un des rares cavaliers autorisés à monter
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