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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ainsi que vous l'avez dit, elle a admirablement avancé ses pions. À jouer les pauvres victimes, elle a récupéré par mariage un comté fort riche, en plus d'un homme plus que plaisant. D'ailleurs, la mine de la Haute-Gravière aurait dû vous revenir dès après son union.
    – Flouée, le terme est adéquat. Ils m'ont spoliée de ce qui me revenait de droit et de sang. Je me vengerai, siffla Mathilde, mâchoires serrées.
    – Et vous aurez juste raison, approuva madame de Neyrat avec emphase.
    Il avait suffi à Aude de ce bref échange pour évaluer le début de femme qui lui faisait face. Elle était sotte, déjà aigre, arrogante, calculatrice, égoïste, en revanche sa voracité pour la vie et l'argent en faisait un atout dans le plan conçu par madame de Neyrat.
    – Nous sommes, Mathilde, de cette gent rare qui sait ce que souffrir signifie et qui pourtant ne cède jamais face à l'adversité. Nous redressons toujours la tête sans nous avouer vaincues. N'est-il pas vrai ?
    – Si fait, acquiesça Mathilde.
    Ce flatteur portrait de sa supposée ténacité la séduisait assez. De surcroît, des points de ressemblance avec cette femme magnifique, si richement parée, environnée d'effluves grisants d'iris et de musc, la satisfaisaient. Revenant à ce qui la préoccupait, elle demanda :
    – Or donc, vous proposez de me faire sortir de cette antichambre de maison de charité 12 …
    Un élégant mouvement de tête lui répondit.
    – Vous avez l'honneur de me prévenir que cette aide n'ira pas sans compensation de ma part…
    Un nouveau mouvement de tête.
    – Je ne sais toujours pas qui vous êtes au juste…
    – Aude de Neyrat, votre alliée.
    – C'est bien peu d'informations mais je m'en contenterai pour l'instant. Une seule chose compte à mes yeux : m'évader d'ici au plus vite ! Je l'ai bien tenté, à plusieurs reprises. Toutefois, outre que les huis sont mieux surveillés que la prison du Louvre, où aurais-je pu aller ensuite ? Ma famille m'a ignoblement abandonnée, trompée. Je n'ai pas le sou, ni même de vêtement décent.
    – Il sera pourvu à tout cela ma chère. L'hôtel particulier que j'occupe à Chartres désespère de vous accueillir. Enfin… le temps file en votre compagnie. Il me faut pourtant vous exposer mon plan avant qu'une sœur ne nous interrompe. Votre fière résistance a provoqué la suspicion des moniales, je l'ai compris aux allusions à peine voilées de la mère abbesse. Il faut que leur surveillance se relâche un peu afin que mes hommes puissent intervenir. Offrons-leur une comédie de notre façon, voulez-vous ? Vous allez ressortir de notre conversation… éclairée, animée d'un désir d'obéissance. Vous demanderez humble pardon à madame d'Etreval, accuserez votre jeune âge de vos excès passés. Vous apporterez du cœur et de la bonne humeur aux innommables corvées dont on vous charge telle une mule.
    Mathilde se renfrognait au fur et à mesure de cette navrante liste. Aude la réconforta :
    – Peu de temps, ma chère mie. Une petite semaine, le temps de les berner afin de vous libérer. La candeur des moniales n'a d'égale que leur envie de croire qu'elles sont parvenues à rectifier une âme. Vous prierez avec dévotion, application. Vous vous montrerez charmante et serviable envers les unes et les autres…
    Un doute effleura madame de Neyrat. La donzelle manquait d'esprit. Elle l'avait amplement prouvé lors du procès inquisitoire de sa mère, contribuant de la sorte à innocenter celle qu'elle poussait avec entrain vers la table de Question. Elle risquait de forcer le trait au point d'aviver la défiance au lieu de l'atténuer. Aude de Neyrat précisa d'une voix suave :
    – Je sais votre finesse. Vous procéderez avec doigté, par touches légères afin de ne pas alarmer par une… conversion trop outrée.
    Mathilde opina d'un clignement de paupières.
    – Nous nous connaissons de bien peu, ma très chère. Pourtant, Mathilde, sachez que, comme vous, j'ai bagarré contre le sort qui m'était échu. Il était injuste, dégradant. J'ai quelques années de plus que vous, des années de lutte… Et me voici aujourd'hui : riche, belle, aimée et crainte. Nul ne me fait peur. Je suis mon maître. C'est aussi ce que je vous propose en échange de votre aide : vous rompre au maniement des armes que je me suis forgées. Elles sont redoutables et vous avez l'épaisseur requise pour en développer la

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