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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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attention, me promit qu'il ferait tout ce qu'il pourrait et s'en
alla.
    C'était un bon
homme * que messire Foucher. Je possède un livre d'heures spécial, autrefois
fort beau, dont la couverture de vélin est maintenant déchirée, fatiguée par
l'usage et tachée. À la fin de l'ouvrage, comme toute dévote ou tout chanoine
qui se respecte, j'ai établi une liste des âmes pour lesquelles je prie. Des
gens qui ont fait de leur mieux alors qu'il y avait tant de raisons pour qu'ils
passent en tournant la tête. Raoul est l'un d'entre eux. Après son départ, je
courus dans ma chambre et me tapis dans un coin en contemplant la lumière qui
se déversait par la fenêtre à lancette. Je me pelotonnais, submergée par la
peur, la haine, l'envie de revanche et un profond désespoir. Quand tout cela
finirait-il ? Je levai les yeux sur l'austère crucifix et suppliai que mon
cœur, débordant d'humeurs désordonnées et dangereuses, cesse de bouillonner
comme un chaudron. Mon regard se porta sur un triptyque de sainte Anne, mère de
la Vierge, penchée sur son précieux enfant. Je lui adressai une oraison tout en
reconnaissant la vérité des paroles de saint Augustin : à savoir que les
démons peuvent se cacher dans d'épais corps moites, comme la vapeur qui
s'échappe d'une marmite ou les gaz nauséabonds qui s'élèvent d'un marais. Et
maintenant ces démons, dissimulés et portés par les effluves de parfums de ce
palais, erraient-ils dans ses couloirs et ses galeries, ondoyant comme une
brume, à la recherche des fissures et des crevasses dans l'armure de mon âme ?
Je priai sainte Anne et pris une profonde inspiration. Des images de ma mère me
traversaient l'esprit. J'avais toujours été plus proche de mon père que d'elle.
Je pensais être davantage l'expression de l'amour qu'elle éprouvait pour lui
que l'objet de son affection. Néanmoins, les liens de la matrice sont les plus
forts. Je m'affligeais des atteintes que les Noctales avaient dû faire
subir à sa douceur. Que Dieu me pardonne, je bouillais de haine à l'encontre de
Marigny, Alexandre de Lisbonne et La Maru. Un coup à l'huis me tira de ma
rêverie. Un page ébouriffé passa sa tête effrontée par la porte.
    — Demoiselle
Mathilde, vous devez venir : la reine vous attend.
    Je me levai,
lissai mon bliaud et le suivis d'un pas rapide dans le couloir. Isabelle était
dans sa chambre. Elle était assise au bord de son lit à baldaquin aux
splendides courtines relevées et retenues par des tringles au-dessus d'elle.
Elle portait un chainse de lin froncé au cou, avait enfilé des chaussons tissés
de fils d'argent et d'or, et laissé pendre sur ses épaules ses longs cheveux.
Fredonnant entre ses dents, elle étalait le jeu de cartes que Marigny lui avait
apporté de France et le triait par couleurs : cœur, trèfle, pique et
carreau. Elle paraissait totalement absorbée, oublieuse de tout le reste, alors
que je refermais la porte derrière moi. Mais j'avais appris à la connaître :
Isabelle était particulièrement dangereuse lorsqu'elle avait l'air le plus
innocent !
    — Que se
passe-t-il, Mathilde ? J'ai cru comprendre que vous étiez rentrée depuis
un certain temps. Et pourtant vous n'avez pas couru voir votre maîtresse. Elle
me désigna un tabouret à côté de sa couche. Je m'assis et lui narrai tout ce
qui était arrivé. Elle continua de jouer avec les cartes et, quand j'en eus
terminé, à les arranger en séries de quatre.
    Elle en
rassembla une et la serra avec force dans sa main.
    — Vous savez,
Mathilde, pendant votre absence, je suis allée à l'abbaye ; les bons
frères, je pense, se préparent à la tonsure. En tout cas, j'ai examiné les
miséricordes, les sculptures sous les stalles où les moines prennent place.
Quelles scènes grotesques ! Une sorcière chevauchant un chat, un homme se
battant avec un chien, une caricature d'évêque, Samson arrachant la mâchoire
d'un lion, et, à côté, un chacal dévorant un cadavre déterré. Je me suis
demandé, Mathilde, si ces œuvres reflètent les humeurs de nos âmes compliquées.
Mais laissons là nos difficultés.
    Elle me fixa de
ses yeux bleu de glace en se mordant la lèvre.
    — Votre
pauvre mère, Mathilde... qu'allons-nous faire pour elle ?
    Elle lança les
cartes sur le lit et leva le doigt.
    — Je ne
manquerai pas d'écrire à mon père. Ce que je ne veux point, c'est être comme
Hérode dans ce spectacle que nous organisons pour Pâques. Vous n'avez

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