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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rudolf Hoess
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effectifs. Pour
cette dernière, il commence à se demander si ce ne sont pas simplement des
apparences : Himmler, écrit-il, « se grisait de chiffres qui indiquaient
chaque semaine un nombre croissant de détenus employés à cette besogne [l’armement],
mais il ne prêtait aucune attention à la statistique des morts ». C’est
que dans le même temps, au tournant de 1941-1942, est survenu un élément
nouveau : la décision de mettre en œuvre la « solution finale de la
question juive », selon le langage de ses auteurs. Les deux logiques,
économique et exterminationniste, se percutent de plein fouet, et Hoess est
particulièrement bien placé pour le constater : il est au cœur de la
contradiction, à Auschwitz où IG-Farben vient s’assurer de la plus grande
concentration de main-d’œuvre esclave du système et où l’on est en train de
construire le plus grand centre d’extermination. Mais, derrière ces deux
logiques, il y a un même homme, Himmler, et Hoess ne laisse planer aucun doute
sur celle des deux qui l’emporte : « Mais puisque Pohl se laissait
induire en erreur par les exigences constamment accrues de Himmler, il
contribuait, sans le vouloir, au triomphe des idées de la Sécurité : des
milliers de détenus désignés pour le travail se trouvaient en réalité voués à
la mort puisque aucune condition possible d’existence matérielle ne leur était
assurée. »
    Hoess fait alors cet aveu extraordinaire, venant du
commandant d’Auschwitz et de l’inspecteur des camps qu’il est devenu à partir
de mai 1943 : « À l’époque, je soupçonnais déjà que telle était
la situation véritable, mais je me refusais à l’admettre : aujourd’hui, je
me fais une idée plus nette, je vois l’arrière-plan sinistre qui se profilait
derrière les camps de concentration. Sciemment ou non, ces camps étaient
devenus des lieux d’extermination à grande échelle. » Il inclut dans sa
réflexion les camps, et pas seulement celui d’Auschwitz, et il pense
vraisemblablement tout particulièrement aux déportés d’Europe de l’Est, dont il
dit plus haut qu’ils « représentaient, même si l’on faisait abstraction
des Juifs, le contingent principal de tous les camps ». Avec ceux-ci,
essentiellement des Polonais, « il n’y avait pas de gants à prendre »,
dit-il, et pas davantage d’ailleurs avec les prisonniers de guerre soviétiques,
dont il évoque dans sa confession l’effroyable traitement qui leur a été
réservé. La logique du système concentrationnaire paraît bien être la
destruction radicale : elle ne fait que se renforcer tout au long de son
histoire, jusqu’à atteindre des sommets, dans le premier semestre de 1945, lors
de l’évacuation des camps par les SS, fuyant devant l’avancée par l’Ouest et l’Est
des années alliées.
    Toute la question est dans ce « sciemment ou non
sciemment » : y avait-il là un projet construit, posé à l’origine, ou
bien cette logique s’est-elle faite par construction successive, dont le sens n’est
donné qu’au bout du chemin ? La question est encore plus redoutable quand on
l’applique à l’extermination des Juifs et des Tziganes. C’est autour de ce
thème que tournent depuis les années 1980 le débat des historiens et
nombre de controverses qui se sont succédé depuis, dans lesquelles se sont
impliqués également des philosophes, des politologues et de nombreuses
associations de déportés, politiques ou raciaux.
    La problématique est très complexe et il n’est pas possible
ici d’exposer les différentes formulations que lui ont données les différentes
écoles historiques engagées dans le débat, mais on peut cependant toutes les
rapporter à une question initiale : l’extermination des Juifs faisait-elle
partie des buts fondamentaux du régime nazi, non affiché dans son programme
politique, mais bien présent dans la tête des dirigeants et surtout dans celle
de Hitler ? La difficulté vient de ce que l’on n’a retrouvé aucune trace
écrite d’une décision de Hitler dans ce sens. En s’appuyant sur ce fait, l’école
dite « fonctionnaliste », que j’ai mentionnée plus haut, soutient la
thèse qu’il n’y eut jamais qu’un processus continu de décisions intermédiaires
concernant la « question juive » – un processus chaotique sans
direction précise, aveugle en quelque sorte. Il a fini par en surgir la
décision finale d’extermination, massive

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