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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rudolf Hoess
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nourriture, des vêtements, un travail au chaud et pas
trop exténuant, pour se dérober à une sélection ou à un transport dont on
savait que la mort était au bout, etc.
    Mais toutes ces stratégies avaient une conséquence commune,
tragique : le gain de survie obtenu pour certains signifiait une perte
pour d’autres. Les détenus, dans leur grande masse, ne pouvait échapper à cette
loi d’airain : le système n’était pas fabriqué pour que les gens
survivent. Hoess a alors beau jeu d’évoquer l’absence de solidarité entre
détenus, notamment les plus misérables d’entre eux, les Russes et les Juifs,
parias d’entre les parias. Il a besoin de se prouver que ses victimes se sont
embarquées avec lui dans la spirale de la destruction, il y trouve un certain
confort idéologique et moral. Même dans sa prison, il continue à s’acharner
contre elles : les pages qu’il écrit sur le sonderkommando d’Auschwitz
sont les plus odieuses qu’il ait écrites. Oui, les SS ont contraint des détenus
juifs à les aider à assassiner leur peuple. Mais ce qu’il oublie de dire, et qu’il
ne pouvait pas ignorer dans les fonctions qui étaient les siennes, c’est que
les seules révoltes qui se soient jamais produites dans l’univers
concentrationnaire eurent lieu dans les centres d’extermination et furent le
fait des sonderkommando d’Auschwitz, de Treblinka et de Sobibor [20] .
    Quant à la grande masse des concentrationnaires, elle n’avait
pas la possibilité de se boucher les yeux devant ce qui était en train de se
produire, en eux et autour d’eux : une sorte de radicale compression de l’humain,
dans une sorte de désir forcené de le voir accoucher d’autre chose que
lui-même, de l’amalgamer en une masse indistincte où toute étincelle d’individualité
aurait disparu, quelque chose qui ressemble étrangement au fantasme hitlérien
du sous-homme [21] .
    Mais quel que soit le sens ou le non-sens de l’entreprise,
et au-delà des interprétations que bâtissent les chercheurs, il reste l’irréductible
témoignage de ceux qui l’ont traversée. On ne peut que leur laisser la parole,
avec ces phrases de Primo Levi qui sonnent comme une réponse à la cécité morale
des Rudolf Hoess et au-delà résonnent jusqu’à nous : « À nous, l’écran
de l’ignorance voulue, le partial shelter de T.S. Eliot, nous a été
refusé : nous n’avons pas pu ne pas voir. L’océan de douleur, passé et
présent, nous entourait, et son niveau a monté d’année en année jusqu’à nous
engloutir presque. Fermer les yeux ou tourner le dos était inutile, car il
était tout autour de nous, dans toutes les directions jusqu’à l’horizon. Nous
ne pouvions pas, et nous ne l’avons pas voulu, être des îles ; les justes
parmi nous, ni plus ni moins nombreux que dans n’importe quel autre groupe
humain, ont éprouvé du remords, de la honte, bref : de la douleur, pour la
faute que d’autres avaient commise, et dans laquelle ils se sont sentis
impliqués parce qu’ils sentaient que ce qui était arrivé autour d’eux, et en
leur présence, était irrévocable. Cela ne pourrait jamais plus être lavé ;
cela montrerait que l’homme, le genre humain, en somme : nous, étions
potentiellement capables de construire une masse infinie (et gratuite) de
douleur, et que la douleur est la seule force qui est créée avec rien, sans
frais et sans peine. Il suffit de ne pas voir, de ne pas écouter, de ne pas
faire [22] . »

 
Avertissement
    Rudolf Hoess a été pendu à Auschwitz en exécution du
jugement du 2 avril 1947. C’est au cours de sa détention à la prison
de Cracovie, et dans l’attente du procès, que l’ancien commandant du camp d’Auschwitz
a rédigé cette autobiographie sur le conseil de ses avocats et des
personnalités polonaises chargées de l’enquête sur les crimes de guerre nazis
en Pologne. On peut en voir l’original au crayon dans les archives du musée d’Auschwitz.
Conçu dans un but de justification personnelle, mais avec le souci d’atténuer
la responsabilité de son auteur en colorant le mieux possible son comportement,
celui de ses égaux et des grands chefs SS, ce document projette une lumière
accablante sur la genèse et l’évolution de la « solution finale » et
du système concentrationnaire. Ce « compte rendu sincère » représente
l’un des actes d’accusation les plus écrasants qu’il nous ait été donné de
connaître

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