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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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à son zénith - et il faisait encore un temps estival, et je comprenais qu'elle eût envie de jouir de cette chaleur en chaque partie de son corps, d'abord les plus intimes, car violer l'interdit fait partie du plaisir -, Paola Morandi avait quelque chose de... je pourrais dire de décadent, mais non, ce n'est là qu'un mot noble et je préfère dire pourri; oui, il y avait déjà de la pourriture dans ce corps, la putréfaction y avait commencé son oeuvre.
    « Voyez-vous, Joan, les douanes américaines interdisent, rejettent certains vins, certains fromages parce qu'ils ne sont pas assez purs, assez sains. Quelle folie, ou plutôt quelle naïveté ! Cela fait beau temps que nous avons perdu cette innocence, en Europe. Nous sommes tous très vieux, même les enfants !
    « Quand, le 1 er septembre, je me suis étonné de l'attitude de cet enfant, Carlo, son fils, si brutal, si cruel - un petit kapo, mais on ne connaissait pas encore le mot -, Paola n'a pas même ouvert les yeux, elle paraissait ne pas m'entendre. Quant à la comtesse Italina Bardi, la mère de Paola, une grande femme charpentée, aux épaules et aux mains d'homme, une impératrice, elle m'a regardé avec commisération : "Vous, un Allemand, m'a-t-elle dit, vous qui connaissez le drill, vous êtes ému, choqué? Mais enfin, nous sommes des Bardi, ce pays et ces gens sont à nous depuis des siècles! C'est dans notre sang. Nous sommes des condottiere, et mon petit-fils Carlo est de bonne race. " Je crois qu'elle a ajouté " malgré tout".
    « Que voulez-vous, le père, on ne le connaît pas. Paola n'a jamais cité son nom. Qui? Un Petacci, un Bombacci, un Farinacci, un Starace, peut-être un Grandi, le moins fat, le moins stupide, ou bien alors un de ces petits potentats qui paradaient, tout vêtus de noir, dans l'antichambre du Duce, et tremblaient dès qu'ils entraient dans son bureau. A moins que le père n'ait été le Duce en personne. Pourquoi pas? Mais le vrai père de Morandi, Joan, c'est la comtesse Italina Bardi. Étonnez-vous, après cela, qu'il y ait dans le regard de Carlo Morandi un désir de domination, c'est-à-dire le goût du meurtre. Qui peut dominer sans menacer de mort, sans tuer?
    « Seulement, le désir n'est pas le passage à l'acte, ma chère Joan. S'il suffisait de désirer pour accomplir, je serais près de vous, en vous... Si je vous regarde, si j'essaie de saisir ce que votre corps émet malgré vous, je me contente de sa présence, de sa chaleur : il est une de ces fleurs chaudes et jaunes que vous voyez sur la place - il avait tendu le bras - et qui, dans quelques heures, au milieu de la nuit, irradieront encore. Quand nous serons restés longtemps l'un en face de l'autre, nous serons liés, quoi que vous en pensiez et quel qu'ait été votre refus. Les corps se parlent, mais, je vous l'ai dit, vous n'êtes pas encore assez ambiguë, vous n'avez pas retrouvé votre souche européenne. Pourtant, je ne désespère pas, vous êtes là, vous êtes revenue, vous n'oubliez pas la Villa Bardi, vous vous intéressez à Carlo Morandi. Mais, au fait, pourquoi donc?
    Elle avait dit en baissant la tête : - Est-ce qu'il a pu tuer une femme?
    - Pourquoi pas?
    Leiburg avait répondu sans hausser le ton, sans marquer la moindre hésitation, le plus mince étonnement, comme si la question de Joan lui avait paru banale.
    Mais il y avait tant de façons de tuer, surtout une femme, avait-il repris. On pouvait la faire mourir d'ennui ou de désir, ou de frustration, ou en la persécutant sans jamais la toucher, ou en lui offrant tout ce qu'elle désirait jusqu'à la rendre folle, afin qu'elle se tue elle-même. On ne meurt de soi que dans la vieillesse, et encore; sinon, ce sont toujours les autres qui vous tuent. Donc Morandi a pu tuer. Mais qui? A quel moment?
    - Qu'avez-vous découvert? Vous voulez créer votre petit scandale journalistique, y gagner un peu de gloire, un peu de pouvoir, peut-être de l'argent? Croyez-moi, Joan, vendez votre histoire à Morandi lui-même, c'est lui qui peut vous en offrir le plus. Moi, je vis grâce à lui. Il me paie. Il achète tous mes livres, la moindre de mes phrases. Les notes d'hôtel, ici et là, où je veux, à Londres ou à Genève, c'est la Morandi Company qui les règle, ou bien Morandi Communication, ou encore Morandi Edizioni, ou la rédaction d' Il Futuro. Peut-être, si vous lui expliquiez, financerait-il votre enquête sur lui-même, qui sait? Nous sommes comme ça, en Europe : si

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