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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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en elle, sur sa pensée pourrie, sur son corps insatisfait qu'elle ne pouvait plus contraindre à un effort physique régulier.
    Elle ne courait plus. Elle n'avait plus envie de courir, mais de rester allongée, pensant à Morandi, à Leiburg, à Orlando, à Jean-Luc.
    Jean-Luc avait téléphoné, parlant d'une voix hésitante, et elle avait décroché.
    - Je ne vous vois plus, Joan. Vous étiez... Si vous aussi... Long silence : Je vais mal, vous savez.
    Elle avait murmuré: « Mais non, mais non. »
    Il avait ajouté que le seul fait d'entendre sa voix le rassurait. Elle était pour lui la vie, il s'excusait de dire cela, comme ça, mais oui, depuis la mort d'Ariane, Joan était à ses yeux la preuve que la vie continuait. « C'est ce que je ressens, excusez-moi, Joan. »
    Elle n'avait pas répondu.
    - Et votre grande enquête : l'Europe, Morandi...? avait-il demandé.
    Savait-elle qu'un juge italien, Roberto Cocci, venait, à Parme, d'inculper Morandi pour corruption?
    Il avait conclu : « A bientôt, ne m'abandonnez pas. »
    Elle avait arpenté à grands pas l'appartement, s'écriant à plusieurs reprises : « Non, non je ne veux pas ! » Puis elle avait pris une douche, s'était habillée, et, avec une fébrilité qu'elle ne pouvait maîtriser, elle avait cherché des images de Morandi, accroupie devant le téléviseur, passant d'une chaîne à l'autre.
    Elle avait tout à coup reconnu le portail de la Villa Bardi, les massifs de lauriers qui bordaient l'allée. La voiture s'avançait lentement. Morandi était assis à l'avant, ignorant les journalistes, regardant droit devant lui. Orlando conduisait. Brusquement, la voiture avait démarré à grande vitesse, franchissant le portail en direction de Bellagio, fonçant sur le groupe des journalistes au milieu de la chaussée et qui s'égaillaient en bonds désordonnés, cependant que la voix du commentateur se faisait plus aiguë: « Morandi, Morandi... »
    Elle avait couru jusqu'à Saint-Germain-des-Prés acheter les journaux italiens, puis, du drugstore, elle avait téléphoné à Christophe Doumic.
    Il lui avait donné rendez-vous dans un restaurant chinois de l'avenue Raymond-Poincaré où ils allaient parfois avant de rentrer chez lui, et à l'idée que c'était cela qui se préparait, elle avait éprouvé un sentiment de dégoût si puissant qu'elle en avait été inquiète, affolée même par la découverte des changements qui s'étaient opérés si vite en elle.
    Elle l'avait harcelé de questions. Elle avait besoin d'informations sur les affaires de Morandi, ses intentions précises concernant l'agence H and H, le rachat de l'Universel. Le ministère du Budget devait avoir enquêté.
    - Parlons de ça ailleurs, avait répondu Christophe en souriant.
    Elle n'ignorait pas - il montrait par des mimiques qu'il plaisantait - qu'il gardait les dossiers confidentiels à son appartement.
    Elle l'avait regardé si durement qu'il avait baissé les yeux et s'était interrompu.
    Il était fade comme le riz blanc, un peu trop cuit, les grains collés en boules gluantes, qu'elle mangeait à petites bouchées, oubliant de l'arroser de la sauce rouge-brun pareille à un sang épais.
    Joan avait pourtant suivi Christophe chez lui le soir même, peut-être pour simplement vérifier qu'il était devenu pour elle un corps dont on ne supporte plus ni le poids, ni les mouvements.
    Elle l'avait même haï tandis qu'il l'aimait. Elle avait méprisé son application, ses attentions, sa maladresse, la peur qu'il avait d'elle - elle la sentait à la manière dont il lui touchait les seins, dont il passait la main sous son dos, et même à ce parfum dont il s'était aspergé de crainte sans doute de lui déplaire par l'odeur de transpiration de son corps.
    Jamais auparavant elle n'avait remarqué ni pensé cela. Que voulait-elle? Des mots montaient de sa gorge, pleins de sucs âcres. Elle voulait qu'on forçât sa bouche jusqu'à ce qu'elle eût mal aux commissures, qu'on l'écartelât, au besoin, pour lui arracher son cri. Elle voulait un corps rugueux qui l'aurait griffée, écorchée, peut-être même un homme comme avait dû l'être Leiburg, comme l'était Morandi, malsain et pourri, si c'était là la condition.
    Elle était effrayée de ce qu'elle imaginait, de ce qu'elle voyait derrière ses paupières fermées.
    Elle avait laissé Christophe s'endormir, puis elle s'était rhabillée dans le salon funèbre, parmi les housses blanches qui faisaient ressembler les meubles à

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