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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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des traces, ces photos à la une des magazines (pas les plus grands) pour présenter des collections de mode (pas les plus connues), c'était bien qu'elle savait elle aussi décider, entreprendre. Mais il n'en avait rien deviné, il avait même été incapable de l'imaginer.
    Il avait embauché Joan au bout d'à peine une demi-heure d'entretien. Arnaud s'était étonné : Jean-Luc était-il sûr de son choix, qu'avait donc cette petite Américaine? Ses papiers, pas mal, originaux, certes, mais...
    La jeune femme avait dit : « J'ai quitté les États-Unis pour des questions familiales.» Jean-Luc avait baissé la tête : « Quoi? »
    Elle n'avait pas hésité, exposant calmement qu'elle ne s'entendait plus avec son père, qu'il intervenait trop dans ses choix professionnels, qu'elle ne voulait plus dépendre de lui, qu'elle avait le sentiment qu'il la surveillait et, en même temps, ne la comprenait pas.
    Jean-Luc l'avait interrompue. Ce n'était pas son problème, avait-il lâché d'un ton bourru, il s'en foutait, lui, de ce qui se passait dans la famille Finchett à New York - mais elle l'avait repris : c'est vous qui m'avez interrogée, monsieur, et c'est à Boston.
    Il s'était levé. C'était O.K. pour un contrat à durée déterminée. On verrait pour son renouvellement. D'accord? Qu'elle discute les conditions avec Arnaud.
    Ç'avait été comme si l'absence de sa fille s'était incarnée.
    Quand il croisait Joan, Jean-Luc éprouvait des sentiments mêlés. Il souffrait de la voir. Elle marchait dans les couloirs du journal, droite et volontaire, presque fière. Elle rendait la disparition d'Ariane plus présente et il en souffrait comme s'il avait été le père d'une jeune incurable, chaque jour confronté à la santé d'une fille du même âge, à cette provocation que constituent le bonheur d'un être ou simplement son insouciance, quand on est soi-même blessé. Mais, en même temps, Joan lui redonnait de l'élan, comme si c'était véritablement une Ariane changée, saine, qui se trouvait là, dans les locaux du journal, travaillant à ses côtés comme il l'avait quelquefois espéré.
    Puis il avait vu le visage d'Ariane enveloppé de bandelettes, gris et figé derrière le petit hublot du cercueil, dans le hangar proche du port de Dongo.
    Depuis ce jour-là, il n'avait plus pu s'éloigner des rives du lac.
    On l'avait enseveli dans le sommeil, on l'avait attaché sur un lit, enfermé dans une chambre dont la fenêtre, derrière les rideaux de tulle blanc, était grillagée.
    On l'avait observé, questionné, écouté.
    Joëlle lui avait répété en pénétrant dans la chambre : - Mais tu vas mieux, parfait, secoue-toi !
    Il avait obéi, mais il n'était pas ressorti du hangar, il n'avait pas détourné les yeux du visage d'Ariane.
    Il avait titubé dans les couloirs et les bureaux du journal, essayant de donner le change.
    Il avait téléphoné à Joan.
    - C'est quelqu'un comme cette jeune Américaine qu'il te faudrait, mon cher Jean-Luc. Cela ne fait aucun doute, lui avait dit Joëlle.
    Elle allumait une cigarette, consultait sa montre. C'était une scène de film, le moment des adieux qu'elle interprétait, résolue comme à son habitude, et il l'avait écoutée, se souvenant du départ de Clémence, il y avait déjà près d'une dizaine d'années.
    - Tu crois que je n'ai pas remarqué? disait-elle. Mais ce n'est pas un reproche, Jean-Luc, bien au contraire. Tu n'as rien fait pour ça, j'en suis sûre, et elle non plus. Mais il y a entre vous... Je lui en ai parlé, mais oui, il fallait bien, tu sais que j'aime que tout soit clair, contrairement à toi qui hésites, qui restes dans le flou, qui te complais dans l'incertitude... Pas moi, mon vieux: j'ai besoin de savoir, de trancher. Oui, entre Joan et toi, il y a comme une relation incestueuse, sauf qu'elle n'est pas ta fille - excuse-moi, Jean-Luc, tu comprends ce que j'ai voulu dire - et que tu n'es pas son père. Alors, tout est possible entre vous. Moi, je ne suis pas un obstacle, je m'en vais, Jean-Luc. Je ne peux plus, tu comprends: ce drame est comme un voile qui se déchire, je te vois comme tu es, émouvant, sympathique, mais un homme, pour moi, ce n'est vraiment pas ça. Les Américaines sont toutes un peu des secouristes, des infirmières, c'est une affaire d'éducation, de religion. Moi, que veux-tu, je suis une catholique égoïste. J'ai fait ce que j'ai pu, je ne peux plus, tu comprends? Tu sais, je recommence à travailler avec

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