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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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certaine ressemblance. Peut-être était-ce aussi cela qui, dès le premier instant, l'avait attirée.
    Elle avait tenté de saisir le regard de Grassi, mais il semblait s'avancer sans la voir, et ce n'est qu'à la seconde où il lui avait serré la main en répétant son nom : « Grassi, Mario Grassi, je suis heureux de vous rencontrer », qu'elle avait distingué ses yeux, aussi noirs que ses cheveux, mais comme estompés, lointains, à cause de leur douceur, de leur mobilité et de l'ironie mêlée de tristesse qu'elle croyait y avoir décelée lorsqu'ils s'étaient posés sur elle.
    Il l'avait entraînée jusqu'à son bureau par un long couloir étroit. Était-elle déjà venue ici? demanda-t-il. Mais pourquoi y serait-elle venue? Il entrouvrit une porte, montrant une petite pièce qui donnait sur le parc. On se serait cru dans une salle de musique, un salon particulier de la fin du XVIII e siècle.
    «Vous regardez nos chaises », murmura-t-il en désignant les sièges à cannelures dorées, capitonnés d'un velours grenat élimé. La gloire du passé, avait-il ajouté : les vieilles dames y étaient sensibles, et quelques jeunes gens un peu singuliers, des sortes d'handicapés, venaient avec elles écouter des conférences sur Dante ou Pétrarque. « Ils aiment la poésie, ce sont donc des fous, des anormaux, non? »
    Son bureau encombré de livres était décoré de cinq ou six toiles devant lesquelles Joan s'était arrêtée, attirée par ces bandes ocre et bleues, ces silhouettes noires à peine esquissées. «Vous aimez ? » questionna-t-il. Fresques romaines, peinture de ruines, nostalgie, désespoir, tout ce qui s'effrite et se corrompt : il adorait.
    Pouvait-il l'appeler Joan, avait-il demandé abruptement. Il était incapable de prononcer le mot « Madame » à son propos : Madame Finchett, Signora Finchett, ou Signorina, ridicule, non? Pourquoi vivait-elle à Paris? Un mari diplomate à l'ambassade, un ami français? « On m'a dit - je citerai ma source si vous le voulez - que vous vivez avec Jean-Luc Duguet? »
    Elle avait eu envie de le gifler, puis elle était sortie du bureau en marmonnant - mais peut-être avait-il entendu, elle l'aurait souhaité : « Mais qu'est-ce que ce type, pour qui se prend-il? Il est stupide, ou quoi? »
    Il l'avait rattrapée dans l'entrée. Il avait endossé une houppelande vert foncé qui lui battait les chevilles et lui donnait l'allure grotesque d'un cocher, d'un personnage baroque ou déguisé, issu d'un autre temps ou s'apprêtant à jouer quelque rôle.
    - Excusez-moi, avait-il grogné.
    Puis il avait repris son bavardage, paraissant ne plus se souvenir de ce qu'il avait dit, s'arrêtant à plusieurs reprises dans le parc de l'Institut, passant de la gravité à la dérision, et, peu à peu, pas après pas, Joan, en le regardant évoluer, ses mains repoussant ses cheveux en arrière puis accompagnant ses propos de virevoltes rapides, avait oublié sa colère et l'humiliation qu'elle avait ressentie. Comment pouvait-on croire qu'elle vivait avec Jean-Luc? Profitant d'un moment de silence, elle répliqua d'une voix coupante qu'elle vivait seule, qu'elle n'avait pas de mari diplomate ni d'ami français. Elle ne se laissait dicter sa conduite par personne. Il jouait à quoi, à l'homme méditerranéen?
    Il s'était excusé de nouveau et, de nouveau, elle avait pensé que cet homme-là l'intéressait, l'intriguait.
    Il se justifiait maintenant, la tête penchée, les mains dans les poches. Savait-elle comment Stendhal jugeait les Italiens, toujours dans La Chartreuse de Parme, au début, dans l'avertissement ? Ils sont sincères, bonnes gens, disent ce qu'ils pensent - lui-même avait dit à Joan ce qu'il pensait : Italien, en effet qu'y pouvait-il? -, et Stendhal ajoutait que ce n'était que par accès qu'ils avaient de la vanité, laquelle devenait alors passion...
    Trop bienveillant, Stendhal, murmura Grassi, n'est-ce pas?
    - Nous sommes grossiers, vous m'avez déjà jugé. Les pâtes : toute notre cuisine est rudimentaire. Nous sommes tous des paysans. Je vous raconterai. Cocci et moi, nous sommes de la même région : maïs, élevage de cochons, parmesan, des culs-terreux, comme on dit ici. Nous sommes primaires, fascistes, totalitaires, mafiosi, machiavéliens, felliniens, nous avons inventé tous ces mots-là, et maintenant les mani puliti. Sartre, c'était les mains sales, nous, les mains propres ! Nous sommes créatifs et en même temps si blasés, si las,

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