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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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être remarquablement beau.
    Désignant le ciel, il lança une phrase inattendue :
    — Nous connaissons aussi ce bleu, en Prusse...
    Bamberg, qui n'était point à l'aise, lança :
    — Je crois qu'on attend de vous une reddition.
    Von Ploetzen se baissa et ramassa quelque chose : des armes cliquetèrent tandis qu'on le visait de toutes parts.
    À mieux y regarder, c'est un fémur qu'il tenait à la main. Il en brisa une extrémité sur le granit d'une croix et y lima l'endroit fracturé en le frottant contre la pierre tombale, répondant enfin :
    — Me rendre? À quoi bon? Vous ne voyez pas que je suis déjà mort? Je ne ferais qu'effrayer les autres prisonniers et embarrasser votre roi hésitant à me faire empoisonner ou étrangler dans ma cellule, ce qui ne serait pas du meilleur effet.
    — Que proposez-vous ? demanda Bamberg.
    — Comprendre. Comprendre pourquoi je n'ai pas compris. Après, rien n'aura d'importance.
    Indifférents aux centaines d'hommes qui les regardaient et les écoutaient, Bamberg questionna à son tour :
    — Je suis terriblement désolé, comte, mais je ne vous suis pas.
    Il sembla un instant qu'on pouvait soupçonner un fugace amusement dans la voix du chevalier lépreux :
    — Vous êtes « terriblement désolé » !... Mon dieu, cela sent si bon notre monde, la vieille Europe, les cathédrales blanches, les châteaux et les blasons, tout ce qui ne tardera pas à disparaître...
    Il désigna le mur opposé du cimetière :
    — Je crois que la réponse est là. Mais votre confirmation aurait beaucoup de prix à mes yeux, du moins à ce qu'il en reste.

    Sur le mur, renonçant à fuir, se tenaient assises les cinq silhouettes torturées par la maladie. Elles ressemblaient à des créatures magiques des sous-bois qu'on dit clignant des yeux à la lumière du jour.
    Bamberg avait compris :
    — Ils sont en effet revenus. Pas pour votre or, vous n'en avez plus. Pas pour vos tueurs, ils se sont sauvés. Pas pour vos teutoniques, ils ne vous trouvent pas. Ils sont donc là pour vous, bravant le regard des autres. Je suppose donc qu'ils vous aiment.
    Un bref et unique sanglot secoua le corps immense du Prussien puis il murmura d'une voix qui se brisait par instant :

    — Vous serez un de mes grands regrets. Sans les folies qu'on me mit si jeune en tête, j'aurais aimé être votre ami.
    Il poursuivait son vain travail, mettant ses dernières forces à frotter l'os contre la pierre tombale, et reprit :
    — Tout n'était que folie et je voue à l'échec l'idée même du Conseil des Troubles passé, présent et tous ceux à venir. À vouloir organiser les hommes sans les connaître, on risque de les perdre à jamais de vue.
    D'un signe de tête, il désigna les êtres demi-morts et demi-vivants assis en rang d'oignons sur le mur du cimetière, les jambes dans le vide :
    — Nous avons partagé mon or, une part pour chacun, puis tout remis en commun. Je les ai aidés, lavés, soignés, instruits, j'ai écouté leurs longs chagrins et leurs courtes espérances. Ah ! combien vivre pour les autres donne le véritable sens de ces tragédies tout en les maintenant à distance : l'horreur de naître, la peur d'exister, le gouffre de la mort.
    Le fémur était à présent taillé en pointe. Même chez les soldats, on commençait à comprendre.
    Lagès-Montry esquissa un geste, Pontecorvo le retint :
    — Mourir, c'est aussi un droit. Ou cela devrait l'être.
    Von Ploetzen et Bamberg regardaient l'os tenu par la main mutilée. D'une voix douce qui manqua de peu de fléchir le Prussien en sa ferme résolution, le général souffla :
    — Le passé est autre chose. Vous semblez tant respecter la vie, à présent. Pourquoi pas la vôtre ?
    Le Grand Maître secoua son corps de droite à gauche, tel un enfant contrarié ou un bateau roulant de bâbord sur tribord dans la tempête :
    — Ma vie, je m'y suis vautré!
    — Vous étiez un autre, alors. Pourquoi, au lieu de vous tuer, ne pas passer votre temps à combattre le malheur ?
    — C'est... C'est trop sale. J'ai été trop loin. On ne revient jamais, à pareille distance. Ces enfants, oh si tu savais ! On m'avait juré, en Terre sainte, que je guérirais. Quelle horreur ! On m'assurait que ma vie était si fondamentale pour notre cause que ces enfants étaient sans importance. Et cette façon de toujours jouer, de feindre de prendre du plaisir à ces massacres : mon Dieu, quelle horreur que ma vie ! Si tu savais tout...
    — Je voudrais tant

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