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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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deux jours plus tard, fut cerné et arrêté à Palaiseau.
    Celui-là, Mortefontaine en fit son affaire, l'interrogeant lui-même et ne se faisant remplacer, pour dormir, que par les plus subtils de ses officiers. Au bout de cinquante-quatre heures d'interrogatoire ininterrompu, le Prussien parla.
    ***
    Derrière quelques dragons éclaireurs qui ouvraient la marche venaient Marion, Bamberg, Mortefontaine, Pontecorvo, Lagès-Montry, Sereni, Cipriano et un officier « observateur » de La Reynie, lieutenant général de police de Paris.
    Brassards jaune et rouge au bras suivaient la centaine de dragons des Opérations Spéciales, deux cent cinquante mousquetaires à cheval de la Maison du roi et une vingtaine d'hommes de la police de Mortefontaine.
    Le ciel très bleu et dégagé qui semblait un ciel d'été s'accordait fort mal avec un vent glacé et une température avoisinant les moins dix.
    Enfin, on arriva devant le cimetière et l'on mit pied à terre avant que ne retentisse le formidable cliquetis des centaines de sabres qu'on sortait des fourreaux.
    Puis, de sa main gantée de gris perle, Bamberg poussa la porte grinçante du cimetière.
    *

    On s'était attendu à tout, mais pas à cela qui arriva.
    Ayant aperçu du mouvement à proximité d'une belle et ancienne tombe que surmontait une petite chapelle à demi en ruine, on s'approcha.
    Des... créatures sans visages, hideuses, sortaient une à une des profondeurs de la tombe comme une troupe qui fait reddition quitte l'abri d'une grange.
    Pour se ménager de la place dans la tombe afin d'y vivre, on avait évacué les précédents locataires si bien que les environs étaient jonchés de crânes et d'ossements. Ceux-ci voisinaient avec des terrines demi-vides, des quartiers de viande, du pain, des bouteilles, des assiettes, la plupart brisées. Car il semblait qu'en ce lieu, on ne connût point la pénurie de nourriture.
    On crut identifier cinq créatures : trois mâles, une femelle et un jeune. La langue dévorée par la lèpre, ils ne parlaient plus et de leurs bouches, un trou sans lèvres ni dents, sortaient des sons qui paraissaient n'avoir point de signification.
    Seuls, peut-être, leurs yeux sanguinolents d'où coulaient des humeurs couleur de rouille laissaient entrevoir quelque chose qui les rattachait encore au genre humain. Et en ces yeux, des regards qui exprimaient la peur mais aussi la honte car la plupart des soldats, quelque effort qu'ils fissent, ne pouvaient dissimuler leur dégoût.
    Le moins âgé des trois mâles poussa une sorte de cri perçant et aussitôt tous les cinq s'enfuirent vers le mur le plus éloigné du cimetière.
    Fusils, mousquetons et pistolets se levaient déjà pour abattre parmi les tombes la misérable horde mais Mortefontaine leva la main :
    — Laissez ces pauvres diables à leur misérable destin.
    On guettait la sortie de la tombe, où celui qu'on attendait tardait et beaucoup, las de patienter, suivirent d'un regard affligé les cinq lépreux qui fuyaient. Certains, les pieds rongés et en partie disparus, allaient à quatre pattes, mais remarquablement vite. D'autres tombaient et se relevaient sans cesse.

    Enfin, venant de la tombe, un bruit ramena tous les regards vers...
    Coiffé de son heaume, jamais il n'avait paru si grand : deux mètres vingt, sans doute... Il ne portait aucune arme et sa tunique blanche frappée de la croix noire des teutoniques, d'habitude immaculée, était salie de taches et trouée en maints endroits. Von Ploetzen avait perdu ou jeté ses gants, révélant des mains où il manquait plusieurs doigts.
    Il demeura immobile, sa grande carcasse oscillant tel un château branlant. Il fit signe qu'on reculât à la seule exception de Bamberg et, étant obéi, il se trouva face au général.
    Alors, une voix caverneuse sortit de sous le heaume :
    — Je suppose qu'on exige du vaincu qu'il exhibe son visage, surtout lorsqu'il est repoussant?
    — Je n'exige point cela!... répondit Bamberg.
    — Vous non, bien entendu, mais tous ceux-là sont venus pour ce spectacle, il serait cruel de les en priver.
    À deux mains, il ôta le heaume et l'envoya rouler en les profondeurs de la tombe.
    Il n'avait plus de visage. Sur la tête, ici et là, prises en d'horribles croûtes, des touffes de cheveux blonds cendrés très fins. Au milieu du sang et des humeurs, des yeux bleus. Et sous les trous et les horribles boursouflures, un visage carré telle une statue de héros antique : l'homme avait dû

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