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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Surtout que Rolande n’était même plus là
pour vous soigner. Rolande, votre bébé, est mariée. Même Rose, maman, est mariée.
Vous m’aviez dit que Rose se marierait mais je ne vous avais pas crue. Vous
aviez raison. Elle se débrouille bien et son amie Sarah veille sur elle. »
    Émilie grimaça et Blanche lui demanda si elle
voulait quelque chose. Elle refusa. Blanche comprit que sa mère souffrait déjà
terriblement.
    « Je vais prendre soin de vous, maman.
Pour vous, maman, je vais redevenir une garde-malade. Clovis a trouvé une dame
pour s’occuper des filles. Vous savez, je pense qu’il l’avait trouvée avant
même qu’il m’en parle. Je n’ai jamais compris comment il faisait pour me
deviner comme ça. Il voit tout. C’est mon amoureux, mon mari et mon meilleur
ami. C’est dommage que papa ne soit pas votre amoureux, votre mari et votre
ami. »
    Émilie tenta un faible sourire que Blanche lui
retourna. Mais sa mère ne le vit pas. Elle avait fermé les yeux.
    « Pauvre Blanche ! Je t’en ai fait
voir de toutes les couleurs. Te souviens-tu quand tu étais petite et qu’on
habitait l’école du Bourdais ? Je t’avais dit que tu me suivais trop. Ça
m’a pris je ne sais combien d’années pour comprendre que tu ne voulais plus
aller au couvent comme pensionnaire. Je sais, Blanche, que tu as terriblement
souffert de ton statut d’orpheline. Moi aussi, Blanche, j’en ai souffert. J’ai
essayé d’éviter tout ça, mais c’était la seule solution que j’avais. »
    – À quoi est-ce que vous pensez,
moman ?
    – Au curé Grenier.
    « Je sais, maman, que c’est lui qui a été
notre véritable père. Sans lui, personne chez nous n’aurait pu s’instruire. Je
ne dis pas ça parce que je ne reconnais pas tout ce que vous avez fait. Je dis
ça parce que je sais qu’il a toujours suivi nos progrès. C’était un prêtre
extraordinaire. J’espère que Napoléon lui ressemblera. »
    « Pauvre monsieur le curé. Je pense que
d’ici quelques mois on va se retrouver. À moins que vous n’ayez eu raison et
que le ciel n’existe pas pour le monde comme moi qui croit plus ou moins aux
anges et aux démons. Je n’ai pas vraiment peur de mourir, pas aujourd’hui. Mais
quand le vrai jour va arriver, si vous vous rendez compte que je suis
terrorisée, pouvez-vous me tenir la main ? Personne ne va voir. »
    – Êtes-vous allée à Saint-Tite
dernièrement, moman ?
    – Comment ?
    – Êtes-vous allée à Saint-Tite ?
    – Oh ! non. J’ai pas envie de
retourner à Saint-Tite. Je pense que je suis devenue comme ton père. J’ai rayé
Saint-Tite de ma carte.
    – Pourquoi ?
    – Parce que.
    « J’ai toujours détesté que vous me
répondiez " parce que " . Je sais que vous avez droit à vos souvenirs,
mais moi je n’ai jamais su pourquoi vous avez déménagé aussi rapidement. Vous
aviez une belle maison, vous aviez même organisé une grande fête. Après ça,
vous êtes partie comme une voleuse. »
    « Est-ce que tu te souviens, Blanche,
qu’on avait menacé Joachim Crête de dire à tout le monde qu’il faisait du
chantage ? On ne l’a pas fait. On aurait dû. J’étais tellement bien à
Saint-Tite. C’était mon village, celui que j’avais choisi. Quand ton frère Paul
est revenu, il a commencé à faire du tricot sur la machine qu’on avait achetée
à Montréal, tu te rappelles, la fois qu’Émilien, Paul et moi on était allés te
reconduire avec ta belle amie Marie-Louise ? Paul a cessé de tricoter pour
aller en Abitibi. Le soir de la grande fête, j’avais récité un Ave Maria.
Plusieurs personnes ont trouvé ça de mauvais goût parce que, tu le sais comme
moi, je n’ai jamais tellement fréquenté l’église. Pour financer la soirée et
acheter des prix de présence, les gens avaient donné de l’argent. Un ou deux
dollars. Moi, Blanche, je n’avais même pas d’argent à donner. Alors j’ai donné
la machine à tricoter de Paul. Tu peux deviner la suite. Crête, l’imbécile, est
venu me serrer le poignet en me disant que je " pétais
plus haut que le trou " . C’ est ce qu’il m’a dit, Blanche. Ensuite, c’est le
curé qui m’a laissé entendre que j’avais exagéré. Il m’a rappelé la parabole de
l’aumône. Tu sais, celle où on raconte que celui qui a donné le plus c’était le
pauvre qui n’avait rien. J’avais donné la seule chose dont je pouvais disposer
et on me l’a reproché. Je suis partie, Blanche.

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