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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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cet inconnu aux abords du maquis inquiéta
« Marceau » et il préféra déménager le camp la nuit
même.
    Dès que nous sommes revenus, je me suis porté volontaire pour
toutes les gardes. Et bien m’en a pris car j’ai eu le temps
d’intercepter le « négociant » quand il est venu pour
rejoindre le maquis.
     
     
    Mais, si Georges a raison, qui a renseigné les Allemands par la
suite ?
    Qui était le traître ?
    Est-ce que le « négociant en bois » bluffait ou disait
vrai lorsqu’il m’a lâché que l’un d’entre nous informait la
Milice ?
    Je me suis endormi en revoyant le visage de mes vingt camarades
et en me disant que c’était impossible que l’un d’eux fût un
informateur.
     
     
     
     
    8
     
     
     
     
     
    Cette nuit-là, je n’ai pas rêvé de mon Feldwebel, mais ça a été
pire. J’ai revu en rêve Claude et Philippe, mes deux plus proches
copains de mon premier maquis.
    J’ai entendu à nouveau les coups de crosse sur le crâne de
Claude et vu Philippe chantant
La Marseillaise
.
    Philippe avait le même âge que moi et nous préparions tous les
deux agro. Claude, son frère, lui, avait deux ans de moins et était
en première dans le même lycée.
    C’est Philippe, dès 1941, qui m’avait entraîné à mettre dans les
casiers des élèves des tracts de la Résistance. Puis il m’avait
présenté vers la fin 1942 à Francis Ricol, le chef de son réseau.
Tout allait de soi, nous étions de jeunes patriotes.
    Quand j’étais revenu à Paris en octobre 44, j’avais été rendre
visite à leur mère. Une petite vieille tout de noir vêtue et
anéantie par le deuil de ses deux fils.
    Pour moi qui l’avais connue si joyeuse, ce fut un choc.
    Elle avait refusé de me parler et son mari, un vieux bonhomme
tout de bonté, m’avait dit qu’il ne fallait pas lui en vouloir.
    En 1951, ayant appris la mort de son mari, je suis revenu la
voir avec mon fils âgé de cinq ans à l’époque.
    – Je suis venu vous présenter mon fils, je lui ai dit, pour vous
montrer que les vôtres ne sont pas morts pour rien. Si mon fils
peut grandir dans un monde libre, c’est grâce au sacrifice de vos
fils et de tous ceux qui sont tombés.
    Elle n’a pas regardé mon fils.
    – Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? qu’elle m’a dit
simplement. Tu ne pourras jamais me les rendre.
    Puis elle s’est tournée vers le buffet familial où trônait la
photo de ses fils dans un cadre enrubanné de crêpe noir.
    Elle était figée et murée dans son deuil.
    Je suis reparti avec mon fils sans qu’elle se fût retournée.
    Sans un mot d’adieu.
    Je l’ai juste entendue se mettre à pleurer.
    Et, dans mon rêve, je pleurais en entendant
La
Marseillaise
entonnée par Philippe.
    Mais c’était sur moi que je pleurais parce que j’étais à quatre
pattes en train de supplier l’officier allemand.
     
     
     
     
    9
     
     
     
     
     
    Quand Georges a frappé à ma porte pour me dire que c’était
l’heure du petit déjeuner, j’étais encore sous le coup de ce
cauchemar.
    Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je reste une nuit de
plus ici. Sinon, j’allais encore en faire d’autres.
    Mais Georges m’accueillit dans la cuisine en me disant qu’il
comptait bien que je reste pour la fin de semaine.
    – Depuis le temps, on a encore des choses à se dire, qu’il a dit
en me servant sa chicorée.
    Il s’efforçait de sourire, mais lui aussi semblait avoir passé
une sale nuit.
    L’inconvénient de ces commémorations, c’est que ça ravive
toujours des tas de souvenirs. Et pas toujours ceux qu’on
aimerait.
    C’est pour cette raison que je les ai toujours fuies. Mais ce
n’est pas pour me fuir moi-même. J’ai eu ma part d’héroïsme et ma
part de lâcheté. Et je m’accepte tel que je suis et tel que j’ai
été.
    Je me suis donc résigné à rester quelques jours de plus et à
être abreuvé de chicorée au petit déj.
    – Ah ! j’ai oublié de te dire ! a dit soudainement
Georges en me faisant sursauter car nous étions en train de
tartiner dans un silence recueilli.
    – Oui ? j’ai fait.
    – Tu ne m’en voudras pas, j’espère…
    – Dis toujours.
    – Tu sais, ton Feldwebel ?
    Comme je le regardais avec étonnement, il crut bon
d’ajouter :
    – Tu t’en souviens, quand même ?
    – Si tu crois que ça peut s’oublier…
    – Ben, justement, vers la mi-juin, il y a une journaliste
allemande qui est venue m’interviewer pour un grand

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