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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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dit-il en soupirant,
je dirai même à satiété.
    – Allez, le coupa Georges, offre-nous l’apéritif du patron.
    – Tout de suite,
capitaine

    Georges le regarda s’éloigner en gagnant « sa » table
et dit en me prenant par le bras :
    – Je ne sais pas si nous avons les enfants que nous méritons.
Parfois, j’ai l’impression qu’ils ne se rendent pas compte de ce
que c’était et ce que nous avons vécu…
    – Dieu les en préserve, fis-je en m’asseyant.
    – T’as peut-être raison. Mais ils n’ont pas conscience.
    – Et alors ? On s’est battus pour qu’ils soient libres et
insouciants…
    – L’insouciance, comme tu dis, c’est l’oubli.
    – Nous sommes le passé et nos propres enfants sont déjà le
passé.
    Georges me regarda pensivement en dépliant sa serviette.
    – Et la génération qui suit…, fit-il en grimaçant.
    – Dans les mêmes circonstances, elle ferait la même chose que
nous.
    – On était quand même plus sérieux… plus
conscients,
insista Georges en passant un coin de sa serviette dans son col de
chemise.
    – Plus sérieux ! dis-je en souriant. Tu te souviens quand
on te demandait une perme pour aller tirer un coup en ville… Une
« perme de maquis » !
    – Moi, fit Georges sérieux comme un pape, je n’ai pas
« tiré un coup », comme tu dis, de toute
l’Occupation…
    – Et Ginette ? le coupai-je en rigolant.
    – Ginette et moi, me répondit-il du même ton pincé, il ne s’est
rien passé jusqu’à la Libération. J’étais le chef et…
    – Arrête, Georges, arrête. Détends-toi, 1944, c’était il y a
soixante ans.
    – T’as raison, fit-il en souriant alors que le fils de Louis
revenait avec un pichet de vin de Loire.
    – L’apéritif du patron ! dit-il fièrement. Ici, pas de
pastis ni de whisky, sauf pour les étrangers au terroir.
    – C’est son étoile au
Michelin
qui lui a monté à la
tête, dit Georges en me servant.
    – Elle n’est pas rouge, je sais, mais, au moins, celle-là, elle
est bien réelle, fit le fils de Louis en prenant un air de dignité
froissée.
    – Mais la rouge, elle nous a fait rêver comme une belle fille,
ton père et moi, lui rétorqua Georges.
    – Bon, alors, je vous sers une étoile rouge à déguster ou vous
préférez ma cuisine étoilée à moi ?
    – La tienne ! dit Georges en riant. L’autre, on n’a pas pu
la digérer, malheureusement…
    La patronne, tout aussi ronde que son mari, nous apporta des
amuse-bouche en nous souhaitant un bon appétit.
    – C’était qui, ta copine ? me demanda soudainement
Georges.
    – La fille de la guichetière de la Poste.
    Georges sembla chercher dans sa mémoire.
    – Ah ! la petite Jeannette !
    – Qu’est-elle devenue ?
    – Comme les femmes de l’époque. Mariage, enfants, deux, je
crois. Puis un accident de voiture. Dans les années soixante. Tous
morts. Mari, femme, enfants. La voiture a pris feu.
    Je portai mon verre à mes lèvres pour me donner une contenance.
J’étais troublé et peiné.
    – Que veux-tu, reprit Georges, vu l’âge auquel on arrive, on en
a laissé pas mal derrière nous… Elle avait quel âge à
l’époque ?
    – Dix-sept ans. Deux ans de moins que moi.
    Georges se rembrunit.
    – Elle avait une cousine qui avait ton âge. Mais tu ne l’as pas
connue. Elle était agent de liaison pour nous et elle a été prise
par les Allemands…
    Un serveur nous apporta l’entrée. Une fricassée de
saint-jacques. Georges n’y prêta pas la moindre attention et mes
couverts restèrent en suspens quand je vis son air attristé.
    Je les reposai et remplis nos verres.
    – Un sale truc ? fis-je. J’ai l’impression que Jeannette
m’en a parlé à l’époque, mais je ne me souviens pas.
    – Oui, un sale truc. En fait, c’était Ginette qui devait
effectuer cette liaison à vélo et, je ne sais plus pour quelle
raison, elle s’est fait remplacer au dernier moment par Georgette,
la cousine de Jeannette. C’était en octobre 1943.
    Georges se tut et considéra son assiette d’un regard vide.
    – En principe, les filles passaient sans problème les barrages
avec leurs petites jupettes et leurs cuisses au vent. Le truc était
simple : les messages écrits étaient glissés dans le guidon.
C’était élémentaire et ça marchait. Mais, ce jour-là, sur un petit
chemin, une patrouille allemande l’a arrêtée ; ils ont retiré
la poignée du guidon et extirpé le message.
    Georges se tut de nouveau et leva vers

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