Le Dernier Maquisard
magazine… C’est
drôle, non ?
– Ils ont aussi eu leurs résistants, j’ai fait en haussant les
épaules.
– Bien sûr. Mais son truc à elle, c’était de rechercher des
témoignages d’anciens responsables de maquis – remarque, il en
reste plus derche vu nos âges –, bref, son truc c’était de
recueillir des témoignages sur des déserteurs allemands de la
Wehrmacht ayant combattu dans les maquis français.
– Tu en as eu dans ton maquis ? j’ai demandé étonné.
– Non. Juste au tout début 41, quand j’ai commencé à jeter
l’embryon de la Résistance locale, nous avions établi un contact
avec un Allemand de la garnison qui se disait social-démocrate et
souhaitait entrer en relation avec nous. Mais les nazis ont envahi
l’URSS…
– Et il n’était plus question de fraternisation, le coupai-je
ironique.
Georges haussa les épaules.
– Non. Le type était sérieux, mais ses renseignements ne nous
étaient pas tellement utiles à l’époque, puis, ensuite, ils sont
tous partis pour le front de l’Est et il y a eu une nouvelle
garnison. Et là, les nouveaux, c’étaient pas des tendres. Ils
avaient vraiment pas envie de se retrouver en Russie. Plutôt le
genre zélé. Bref, ici, il n’y a pas eu de déserteur allemand. Mais
j’ai signalé qu’il y avait eu un Autrichien dans le maquis de Paul,
tu sais, celui du maquis « Hoche » à une cinquantaine de
kilomètres d’ici ?
– Oui, fis-je en refusant de la main une nouvelle rasade de
chicorée.
– Lui, il avait même eu deux Russes qui s’étaient échappés de
leur camp en Allemagne et avaient atterri en Touraine en passant
par la Normandie. Hébergés par des paysans. Ah ! ça, on dira
jamais assez le rôle des paysans de nos campagnes françaises dans
la Résistance ! Ils en faisaient sans le savoir et ignoraient
qu’ils étaient des héros de l’Histoire. Au risque d’être fusillés
en famille sur le seuil de leur ferme. Comme ça, instinctivement.
Parce que le Boche n’était pas chez lui.
Georges s’abîma dans ses pensées.
– Tu voulais en venir où ? lui demandai-je après un temps
que je jugeai suffisamment respectueux de son silence.
– Ah oui ! fit-il comme s’il s’éveillait. La journaliste
allemande…
– Oui. La journaliste allemande.
– Oui, justement, je me suis souvenu de l’histoire de ton
Feldwebel et je la lui ai racontée.
– C’est pas tellement intéressant.
– Au premier abord, tu as raison. D’ailleurs, ça n’a pas semblé
l’intéresser particulièrement au début. Mais, quand je lui ai dit
qu’on n’a jamais su ce qu’il pouvait faire tout seul au bord de ce
chemin où t’es tombé dessus, eh bien, ça l’a intéressée…
Georges s’était redressé sur ses ergots bien émoussés et était
tout fiérot.
J’ai marqué mon étonnement en haussant les épaules.
– Je ne vois pas en quoi.
– Moi non plus. Mais cette histoire l’a intriguée et ça lui
faisait un Allemand du coin à se mettre sous la dent.
J’ai de nouveau haussé les épaules.
– Tu sais combien peuvent être bizarres les journalistes, a
repris Georges en haussant les épaules à son tour. Ils peuvent
faire leurs choux d’un rien. Mais, quand elle m’a demandé plus de
détail, je me suis souvenu que tu avais récupéré les papiers du
Boche et que tu me les avais remis…
– Tu les avais gardés ? dis-je avec étonnement.
– T’inquiète, ils étaient bien planqués à l’époque et ils
auraient pu servir à l’époque…
– Oui, mais pourquoi les avoir conservés après la guerre ?
le coupai-je encore plus étonné.
– Je les ai gardés, c’est tout, se renfrogna Georges. J’aurais
peut-être dû t’en parler. Bref, je les lui ai remis avec son
portefeuille et la photo de famille qu’il y avait à l’intérieur.
Elle voulait tenter de rechercher sa famille et les lui
remettre.
Georges venait de raviver un souvenir douloureux car je revoyais
cette photo. Mon Feldwebel en uniforme avec sa femme à ses côtés,
une frêle allemande blonde comme les blés vu la pâleur de ses
cheveux sur la photo noir et blanc, entourés de leurs trois
enfants. Un garçon d’une dizaine d’années et deux petites filles de
cinq, six ans aussi blondes que leur mère et tout sourire. Et,
comme leur mère, cette coiffure typiquement allemande avec les
cheveux plaqués en tresses sur le crâne.
Georges dut s’en apercevoir, car il ajouta :
– Tu n’as rien à te
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