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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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partaient en
guerre.
    Je pensai aux lames brandies devant la fosse sanglante, au
dieu s’éveillant dans son antre rempli de cadavres pour donner sa bénédiction à
ces hommes, et je sus que l’Anglie tout entière succomberait, à moins de
trouver une magie aussi forte que la sorcellerie de ces hommes si puissants. Je
n’avais que dix ans, mais cette nuit-là je sus ce que je deviendrais.
    J’allais rejoindre les sceadugengan. Devenir une
ombre qui marche.

Chapitre 2
    Au printemps de l’an 868, j’avais onze ans et la Vipère
de vent était à flot. La Vipère était le navire de Ragnar, un beau vaisseau
à coque de chêne, à la proue ornée d’une tête de serpent ; la poupe
l’était d’une tête d’aigle, et la pointe du mât d’une girouette triangulaire en
bronze noir peinte d’un corbeau. Derrière leurs boucliers accrochés au flanc,
les hommes de Ragnar ramaient en chantant, racontant comment le puissant Thor
avait péché le redoutable serpent Midgard. C’était une belle légende et son
rythme nous entraîna en amont de la rivière Trente, un affluent de l’Humber qui
coule loin à l’intérieur de la Mercie. Nous allions vers le sud, à
contre-courant, mais la rivière était calme, le soleil chaud et les rives
couvertes de fleurs sauvages. Des cavaliers nous accompagnaient sur la rive,
tandis que nous suivait une flotte de nos plus beaux navires. L’armée d’Ivar le
Sans-Os et d’Ubba l’Horrible partait en guerre.
    Toute la Northumbrie de l’Est leur appartenait, l’Ouest
avait prêté allégeance avec réticence. À présent ils comptaient prendre la
Mercie, le royaume situé au cœur de l’Anglie. La Mercie, moins riche que le Wessex,
l’était néanmoins davantage que la Northumbrie. La rivière Trente la traversait
en plein milieu, et la Vipère était la pointe d’un javelot qui en visait
le cœur.
    La rivière était peu profonde, mais Ragnar prétendait que
son navire pouvait flotter sur une flaque, et c’était presque vrai. De loin, la Vipère avait l’allure effilée d’un couteau, mais quand on était à son bord,
on se rendait compte qu’elle était large et flottait sur l’eau comme une coupe
basse plutôt qu’une lame. Et même chargée de quarante à cinquante hommes, de
leurs armes, boucliers, vivres et ale, elle n’avait qu’un faible tirant d’eau.
De temps à autre, sa longue quille raclait le gravier. Pour pouvoir glisser
sous les arbres sans nous retrouver coincés, le mât avait été abaissé.
    Rorik et moi étions à la proue en compagnie de son
grand-père Ravn, auquel nous devions raconter tout ce que nous voyions. Il n’y
avait pas grand-chose à décrire, en dehors des fleurs, arbres, roseaux, gibiers
d’eau et truites gobant une mouche. Les hirondelles étaient sorties de leur
sommeil hivernal et les martins-pêcheurs recueillaient de la boue pour
fabriquer leurs nids. Les fauvettes chantaient bruyamment, les pigeons
s’égaillaient parmi les feuillages et des faucons planaient, menaçants, entre
les nuages épars. Des cygnes nous regardaient au passage, et de temps en temps
nous voyions les petits d’une loutre jouer sous les feuilles pâles des saules
et s’enfuir à notre approche dans des gerbes d’éclaboussures. Parfois, nous
passions devant des maisons de bois et de chaume, mais les habitants et leur
bétail avaient déjà fui.
    — La Mercie a peur ! dit Ravn en levant ses yeux
laiteux et aveugles dans la brise. Et elle a raison. Nous sommes des guerriers.
    — Ils en ont aussi, répondis-je.
    Ravn éclata de rire.
    — Dans notre armée, Uhtred, chaque homme est un
combattant. Si tu ne veux pas guerroyer, tu restes au Danemark. Tu cultives la
terre, gardes les moutons et pêches en mer, mais jamais tu ne montes sur un
navire pour devenir soldat. Mais ici, en Anglie ? Tous sont forcés de se
battre, et pourtant seul un sur trois ou quatre en a les tripes. Les autres
sont des fermiers qui ne veulent que fuir. Nous sommes loups contre moutons.
    « Regarde et apprends », m’avait dit mon père, et
j’apprenais. Que pouvait faire d’autre un enfant dont la voix n’a pas
mué ? Un homme sur trois est un guerrier, n’oublie pas les ombres qui
marchent, prends garde à la brèche dans le mur de boucliers, une rivière peut
devenir la route qui conduit une armée au cœur d’un royaume. « Regarde et
apprends. »
    — Leur roi Burghred est un couard, poursuivit Ravn. Il
n’a aucun courage au combat. Il se battra,

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