Le dernier templier

d’enregistrement. Une fois cette étape franchie, elle suivit les panneaux jusqu’au salon des départs, en quête d’un café. En passant devant un kiosque, elle acheta deux livres de poche qu’elle s’était promis de lire dès qu’elle en aurait le temps. Dans les circonstances présentes, qu’elle puisse brider ses réflexions pour se concentrer sur une fiction — fut-elle légère — était une autre affaire.
    Elle franchit le contrôle des passagers et gagna le salon des départs, où elle s’effondra sur un fauteuil en fermant les yeux.
    Elle avait du mal à croire qu’elle était réellement là. Alors qu’elle était assise sans rien d’autre à faire qu’attendre, son esprit avait enfin une occasion de se détendre, de prendre du recul et de reconsidérer les événements récents. Ce qui n’était pas nécessairement une bonne chose.
    « À quoi penses-tu ? Partir toute seule pour l’arrière-pays turc ! Que se passera-t-il si tu tombes sur Vance là-bas ? Ou sur toute autre crapule que tu pourrais rencontrer ? Ce n’est pas le pays le plus sûr du monde. »
    Cette vague de panique laissa bientôt place à une pensée beaucoup plus perturbante.
    Reilly.
    Elle lui avait menti. Encore une fois ! Un mensonge par omission, certes, mais un mensonge assez sérieux quand même. Cette fois, elle ne s’enfuyait pas avec un manuscrit sans l’avertir que Vance l’attendait chez elle. C’était beaucoup plus grave. Elle savait que quelque chose se passait entre eux, quelque chose qu’elle aimait et voulait entretenir, même si elle devinait qu’une raison qu’elle n’identifiait pas le retenait.
    « À quel point cette relation compte-t-elle pour toi, Tess ? »
    Elle écarta cette rêverie en sentant que la lueur des néons fluorescents venait d’être obstruée et que quelqu’un se tenait là. Elle ouvrit les yeux.
    Reilly ! C’était lui. Il était là, debout, la dominant de toute sa hauteur... Et il n’avait pas l’air transporté de joie.
    Il rompit le silence.
    — Que croyez-vous être en train de faire ?
    Elle ne savait pas trop comment répondre. Mais, au même instant, une voix nasillarde tomba des haut-parleurs au-dessus de leurs têtes et annonça l’ouverture des portes pour l’embarquement. Tout autour d’eux, des passagers se levèrent puis se rangèrent en deux lignes irrégulières convergeant vers les comptoirs. Ce mouvement lui octroya un répit bienvenu.
    Reilly faisait un effort sur lui-même pour se contrôler. Puis il se laissa tomber sur le fauteuil près d’elle.
    — Quand comptiez-vous m’informer ?
    — Dès que je serais arrivée là-bas, répondit-elle, un peu penaude.
    — Comment ? Vous comptiez m’envoyer une carte postale ? Bon sang, Tess ! Est-ce que rien de ce que je vous ai dit n’a de sens pour vous ?
    — Écoutez, je suis...
    — Je sais : vous êtes désolée, c’est une grosse affaire pour vous, une chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie, un moment clé dans une carrière... On en a déjà parlé, Tess. Mais vous semblez déterminée à vous faire tuer.
    — Je ne peux pas rester les bras croisés et laisser passer cette chance.
    — Les trois autres cavaliers de cette fameuse nuit... ils ont tous été tués. Et ce n’était pas joli joli. Ils ne sont pas franchement morts dans leur sommeil.
    Tess risqua une hypothèse.
    — Vous croyez que c’est Vance qui les a éliminés ?
    — C’est soit lui, soit un type lié à lui. Dans les deux cas, il court toujours dans la nature et tuer ne semble pas du tout le gêner.
    — Et s’il n’a pas encore découvert l’endroit ?
    — Je pense que vous auriez eu droit à une nouvelle visite s’il ne l’avait pas trouvé. À mon humble avis, il sait où aller.
    — Alors que faisons-nous maintenant ?
    Reilly l’étudia. Il se posait la même question.
    — Vous êtes sûre d’avoir identifié l’endroit exact ?
    — Oui.
    — Mais vous n’allez pas me dire où il se trouve ?
    — Je préférerais éviter.
    Au-dessus de leurs têtes, la voix nasillarde fit une nouvelle annonce invitant les derniers passagers à se présenter pour l’embarquement immédiat. Tess se tourna vers Reilly.
    — C’est mon vol.
    — Vous êtes sûre de vouloir y aller ?
    — Sûre.
    — Bon, réglons ça tout de suite. Vous aurez tout le mérite des découvertes qui seront faites, je m’en assurerai. Mais laissez-nous d’abord le neutraliser.
    — Ce