Le dernier templier
d’esprit. À la différence du FBI, elle avait vite écarté l’hypothèse d’un simple vol.
Ses connaissances et sa formation, sa relation antérieure avec Vance, tout contribuait à faire d’elle une alliée utile... et une adversaire dangereuse.
Il toucha l’une des photos, tapotant de son doigt le front de Tess. Une fille intelligente. Vraiment, vraiment intelligente. Si quelqu’un devait localiser la « chose », ce serait elle. Mais le prélat savait aussi qu’elle ne serait pas du genre à partager sa découverte.
Il allait falloir la lui arracher.
49
Tess avait perdu toute notion du temps. Au vu de l’accumulation des gobelets sales et de la quantité de caféine qui circulait dans ses veines, elle devinait que cela faisait des heures et des heures qu’elle s’était plantée devant son ordinateur à l’institut Manoukian.
Le bureau était vide. Dehors, les pigeons et les moineaux s’étaient envolés depuis longtemps. Le jardin baignait dans les ténèbres. Une autre longue nuit s’annonçait.
Les deux derniers jours se noyaient dans un brouillard. Elle avait passé du temps dans la bibliothèque Butler à l’université Columbia avant qu’on la jette quasiment dehors à onze heures du soir. Elle était rentrée chez elle peu après minuit avec nombre d’ouvrages sous le bras et s’était mise à les étudier. Finalement, elle avait succombé au sommeil au moment où les premiers rayons de soleil pointaient à travers la fenêtre de sa chambre. Moins de quatre-vingt-dix minutes plus tard, son radio-réveil la ramenait dans le monde réel.
Maintenant, de retour à son bureau, elle continuait de parcourir une montagne de livres. Elle en avait apporté quelques-uns avec elle, mais la majorité provenait de l’importante collection de l’institut. De temps en temps, quelque chose retenait son attention. Alors, tout excitée, elle lançait Internet pour poursuivre sa recherche, bénissant Google pour les heures qu’il lui faisait gagner et maudissant ce moteur de recherche dès qu’il ne parvenait pas à lui fournir de réponse.
Jusque-là, il fallait bien le dire, les imprécations l’emportaient haut la main.
Elle tourna la tête pour regarder par la fenêtre en frottant ses yeux fatigués. Les ombres du jardin se fondaient les unes dans les autres. Elle constata que ses yeux ne lui obéissaient plus. Mais ce n’était pas grave. Elle allait s’octroyer une pause. Quand pour la dernière fois avait-elle lu autant en si peu de temps ? Elle était incapable de s’en souvenir. Malgré son épuisement, un mot restait gravé sur sa rétine : Fonsalis.
Fixant la nuit, ses yeux furent attirés par le grand saule du jardin. Ses ramures vaporeuses dans la brise du soir se détachaient sur le mur de brique éclairé par les reflets des lumières de la rue.
Elle regarda le banc vide sous l’arbre, si tranquille, si idyllique. Il semblait tellement déplacé, ici, au coeur de la mégapole. Elle aurait voulu sortir, s’y blottir et y dormir pendant des jours.
C’est alors qu’une image jaillit dans son esprit.
Une image troublante.
Elle pensa à la plaque de cuivre fixée sur un poteau près de la base du saule. Une plaque qu’elle avait lue une bonne centaine de fois.
L’arbre avait été importé, plus de cinquante ans plus tôt, par le bienfaiteur arménien de l’institut. Il l’avait acheminé par bateau depuis son village, berceau de ses ancêtres, en mémoire de son père. En même temps que deux cents autres intellectuels arméniens, celui-ci avait été assassiné dans les premiers jours du génocide de 1915. À l’époque, le ministre de l’Intérieur turc avait claironné qu’il allait administrer au peuple arménien « un tel coup de massue qu’il ne serait pas capable de se relever avant au moins cinquante ans ». Ses paroles s’étaient révélées tragiquement prophétiques. Pour la nation arménienne, les tragédies s’étaient alors succédé.
L’arbre avait été choisi pour son rapport symbolique avec ce drame. De l’Europe à la Chine, on trouvait communément des saules pleureurs dans les cimetières. L’association datait, disait-on, de l’Ancien Testament, où l’on voit les rameaux de l’arbre ployer sous le poids des harpes qu’y avait attachées le peuple d’Israël en exil. Beaucoup plus tard, les conteurs arabes racontaient qu’après le mariage de David et de Bethsabée, deux anges seraient apparus devant le roi et
Weitere Kostenlose Bücher