Le dernier templier
pivotant. Il n’avait nullement peur. C’était juste une malheureuse complication qu’il aurait à traiter en son temps.
53
Ils avaient atteint une altitude de croisière quand Tess se mit à expliquer ses découvertes à Reilly.
— Nous cherchions un endroit qui n’existe pas, c’est tout.
Ils avaient entrevu la silhouette de Manhattan, scintillant dans les nuances bleu et or du soleil couchant. Les Twin Towers du World Trade Center se remarquaient maintenant par leur absence. Depuis le ciel, l’ampleur de la catastrophe était encore plus effroyable. Puis l’avion à la queue rouge s’était incliné sur l’aile et élancé dans les airs en traversant une mince couverture nuageuse. Sans effort, il s’était hissé dans l’azur jusqu’à trente-sept mille pieds. L’Airbus se précipitait vers l’obscurité approchant à l’horizon. La nuit allait venir vite.
— Aimard de Villiers était malin. Et il savait que l’homme à qui il écrivait sa lettre, le maître du Temple de Paris, l’était autant que lui.
Tess était tout excitée par sa découverte.
— Il n’y a pas de « Fonsalis ». Il n’y en a jamais eu. Mais en latin, fons est le mot qui signifie « puits ». Quant à salis, cela veut dire « saule ».
— Le puits du saule ?
— Exactement, acquiesça Tess. Et alors, je me suis souvenue qu’ils se trouvaient en territoire ennemi quand Aimard a écrit sa lettre. Le village avait été occupé par les musulmans. Je me suis donc posé la question : pourquoi Aimard utilisait-il un nom latin pour le village ? Comment pouvait-il le connaître ? Il était plus probable qu’il ait appris par les chevriers son nom arabe, le nom que les conquérants utilisaient. Mais Aimard tenait quand même à dissimuler le nom exact, au cas où la lettre tomberait en de mauvaises mains et serait décodée.
— Donc le village s’appelait le « Puits du saule » ?
— Oui. C’était la pratique courante de baptiser un endroit d’après l’une de ses caractéristiques topographiques.
— Mais pour comprendre ce que le nom arabe voulait dire, il devait connaître leur langue.
— Il la connaissait certainement. Et si ce n’est lui, au moins l’un de ceux qui l’accompagnaient. À la fin des croisades, beaucoup de ces chevaliers étaient nés en Terre sainte. On les appelait les poulains {26} . Et les Templiers avaient une étrange affinité avec certains musulmans. J’ai lu qu’ils échangeaient des connaissances scientifiques et même mystiques. On va jusqu’à dire qu’en quelques occasions, ils ont engagé des hashashins — les assassins, ces combattants extrêmement efficaces qui fumaient du haschisch, d’où leur nom.
Reilly écarquilla les yeux.
— Ils ont fait appel aux assassins, leurs ennemis ? Je croyais qu’ils étaient partis là-bas pour les combattre ?
— Quand on passe deux cents ans chez quelqu’un, tôt ou tard on finit par devenir amis.
— Alors, qu’est-ce que ça donne en arabe ?
— Beer el-Sifsaaf.
— Ce que vous avez trouvé comment ?
Tess ne put contenir un sourire d’autosatisfaction.
— Les journaux d’al-Idrisi. C’était un célèbre voyageur arabe, l’un des grands cartographes de l’époque {27} . Il a laissé d’importants comptes rendus de ses voyages en Afrique et dans le monde musulman, dont bon nombre ont survécu jusqu’à aujourd’hui.
— En anglais ?
— Non, en français. Mais ce n’est pas un problème.
Tess attrapa son fourre-tout, et en sortit une carte et quelques photocopies.
— Il mentionne la ville et son église pillée dans l’un de ses journaux.
Elle ouvrit une carte recouverte de notes griffonnées et de marques.
— Il l’a traversée lors de son voyage d’Antalya à Izmir, via Myra. La zone côtière de cette région possède une abondance de sites historiques : byzantins, lyciens... Dans tous les cas, son journal est fort détaillé. Tout ce dont nous avons besoin, c’est de suivre sa route et de longer comme lui la côte. Ainsi nous tomberons sur la ville... et l’église.
Reilly regarda la carte.
— Maintenant que vous avez compris, à votre avis combien y a-t-il de chances que Vance en ait fait autant ?
— Je serais étonnée qu’il ne soit pas déjà en route.
— Il faut que j’utilise la radio.
Il se leva et se dirigea vers le poste de pilotage.
Quand Reilly revint, Tess s’était bien installée et sirotait les dernières gouttes d’un
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