Le dernier templier
d’être préservée. Quelle importance si elle était fondée sur une histoire qui enjolivait considérablement la vérité ? Était-il même possible de créer un tel pouvoir d’inspiration, se demanda-t-elle, sans dépasser les strictes limites du monde réel ?
Debout dans la rue, regardant les deux couples s’éloigner et retourner à leurs occupations, elle ne parvenait même pas à croire qu’elle avait jamais pu envisager d’autre solution.
Elle savait qu’elle ne pouvait pas le faire.
Mais elle savait aussi qu’elle ne pouvait pas différer plus longtemps une conversation avec Sean.
Ce soir-là, après l’avoir évité pendant le plus clair de l’après-midi, elle l’entraîna vers les ruines du château. La paume moite, elle le tenait par la main. Son autre bras serrait étroitement un petit paquet enveloppé dans son gilet. Le soleil avait presque disparu. Le ciel qui retenait les derniers feux du jour resplendissait d’une lumière rosée diffuse.
Elle déposa le paquet sur un muret à demi effondré et se tourna vers Reilly. Éprouvant des difficultés à le regarder en face, elle sentit que sa bouche était sèche.
— Je...
Tout à coup, elle n’était plus sûre. Et si elle se contentait de cacher le manuscrit, de l’ignorer et de ne jamais le mentionner ? Est-ce qu’il ne valait pas mieux pour lui ne jamais savoir, surtout après ce qui était arrivé à son père ? Est-ce qu’elle ne lui ferait pas une faveur en ne lui révélant jamais qu’elle l’avait trouvé, vu, touché ?
Non. Elle aurait vraiment aimé pouvoir le faire, mais elle savait aussi que c’était une erreur. Elle voulait ne plus jamais lui mentir. Au fond d’elle, en dépit de tout ce qui s’était passé, elle espérait qu’ils avaient un avenir ensemble. Et elle savait qu’il leur serait impossible de se rapprocher avec un non-dit aussi important entre eux.
Elle prit soudain conscience de l’extraordinaire quiétude qui l’entourait. Les moineaux qu’elle entendait quelques instants plus tôt s’étaient tus, comme pour participer à la sérénité de l’instant, à sa paix, à son harmonie. Elle s’arma de courage.
— Il y a quelque chose dont je voulais te parler, mais il fallait que j’attende que tu ailles mieux.
Reilly la dévisagea, intrigué. Elle se doutait que son malaise était visible.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Il faut que je te montre quelque chose.
Elle se tourna et déplia son gilet, révélant le manuscrit caché dans ses plis.
Une expression de surprise effleura les traits de Sean. Il releva les yeux pour l’observer attentivement. Après ce qui sembla à Tess une éternité, il lui demanda :
— Où l’as-tu trouvé ?
Soulagée de pouvoir enfin se débarrasser de ce qui lui pesait sur la poitrine, elle répondit aussi vite qu’elle put :
— Le faucon s’est échoué sur une plage, à deux baies de l’endroit où nous avons été trouvés. Les flotteurs y étaient encore attachés.
Elle regarda Reilly tandis qu’il examinait la couverture tannée avant de prendre soigneusement le manuscrit entre ses mains, de l’ouvrir et de regarder l’une des pages.
— C’est incroyable. Ça a l’air si... primitif.
Il se tourna vers Tess.
— La langue. Tu peux la lire ?
— Non. Je peux juste dire que c’est de l’araméen.
— Et je devine que c’est la bonne langue, celle dans laquelle ça devrait être écrit, si c’était authentique ?
Elle hocha la tête, mal à l’aise.
— Oui.
Reilly laissait ses yeux parcourir la moindre parcelle de l’antique couverture.
— Et alors ? Qu’en penses-tu ? Est-ce authentique ?
— Je ne sais pas. Il semblerait, mais on ne peut en être définitivement certain sans l’envoyer dans un labo. Il y a quantité de tests qu’il faudrait lui faire subir : la datation au carbone 14, l’analyse de la composition du papier et de l’encre, l’examen de la cohérence calligraphique...
Elle s’arrêta et lâcha un soupir nerveux.
— Mais c’est là la question, Sean. Je ne pense pas qu’on devrait l’envoyer dans un labo. Je pense que personne ne devrait faire de tests sur ce manuscrit.
— Que veux-tu dire ?
— Je pense qu’il faut simplement oublier qu’on l’a trouvé, déclara-t-elle solennellement. On devrait brûler cette maudite chose et juste...
— ... et juste quoi ? l’interrompit-il. Agir comme ça, ce n’est pas possible. On ne peut pas faire ça. Si
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