Le dernier templier

méritaient, dit-elle à la place.
    Ses traits s’illuminèrent.
    — Et toi, tu es vivant. Il y a là motif à avoir la foi, tu ne crois pas ?
    — Peut-être, répondit-il avec un demi-sourire peu convaincant.
    Les yeux de Reilly parcoururent le visage de Tess. Bien qu’il eût envie de dormir, il se surprit à penser à l’avenir. Jusqu’alors, il n’y avait jamais réfléchi. Il fut étonné de voir ces préoccupations lui traverser l’esprit à cet instant, alors qu’il était à peine vivant sur ce rivage lointain.
    Pendant un moment, il se demanda s’il continuerait ou non à faire partie du FBI. Il avait toujours aimé son métier, mais cette affaire allait lui laisser des cicatrices profondes. Pour la première fois, il se sentit fatigué de la vie qu’il avait choisie, fatigué de passer ses journées à se débattre pour comprendre ce qui se passait dans la tête de crapules démentes, fatigué de côtoyer ce que la planète avait de pire à offrir. Il se demanda si un changement de carrière permettrait de restaurer son plaisir de vivre et sa foi en l’humanité.
    Il sentit ses paupières tomber.
    — Désolé, articula-t-il. Je crois qu’on va devoir remettre la suite à plus tard.
    Tess le regarda plonger dans un profond sommeil et se sentit elle-même épuisée.
    Elle repensa à une chose à propos de laquelle il avait plaisanté : le choix des vacances. Cette évocation ramena un sourire sur ses lèvres et elle secoua doucement la tête. La jeune femme songea que c’était justement de vacances qu’elle avait besoin, et elle savait exactement où elle allait les prendre. Tout à coup, l’Arizona eut le parfum du paradis. Elle décida de s’y rendre sans même retourner au bureau. Un simple changement d’avion et elle filerait rejoindre sa fille. Et si Guiragossian ou qui que ce soit d’autre à l’institut n’aimait pas ça, eh bien qu’il aille au diable.
    Il lui apparut soudain qu’il y avait quantité de choses intéressantes à faire pour une archéologue dans les États du Sud-Ouest. Elle se rappela que Phoenix possédait un musée de renommée internationale. Puis elle jeta un nouveau coup d’oeil à Sean, né et élevé à Chicago, New-Yorkais d’adoption, manifestement accro aux mégapoles et incapable de s’en éloigner. Elle se demanda s’il pourrait un jour mener une existence paisible dans un État désert. Cette question avait de l’importance pour elle. Beaucoup d’importance. Peut-être plus que toute autre chose.
    Sortant sur le balcon de la chambre, elle se perdit dans la contemplation des étoiles. Délicieusement, elle se remémora cette nuit où Reilly et elle s’étaient retrouvés seuls à bivouaquer, en route vers le lac.
    L’île était silencieuse, même dans la journée. Mais, la nuit, elle devenait divinement paisible. Tess s’imprégnait de son calme et de son silence. Peut-être existait-il de telles nuits en Arizona, mais pas à New York. Elle pensa à Reilly en se demandant ce qu’il dirait et ferait si elle quittait l’institut Manoukian et déménageait. Elle lui poserait peut-être la question.
    Goûtant le spectacle de la mer scintillante, elle s’interrogea sur ce qu’il y avait lieu de faire du manuscrit. C’était indubitablement l’une des découvertes archéologiques et religieuses les plus importantes de tous les temps, une découverte qui pouvait avoir des conséquences cruciales pour des centaines de millions d’êtres humains. La rendre publique ferait d’elle le membre le plus célèbre de sa profession depuis les trouvailles faites dans les grandes pyramides d’Égypte, près de quatre-vingts ans plus tôt. Mais quelles seraient les répercussions sur le reste du monde ?
    Elle voulait parler de cela à quelqu’un.
    Tess comprit qu’elle allait devoir le faire, et très vite. Mais pour l’instant, elle avait surtout besoin de se reposer. Elle pensa d’abord regagner son propre lit, mais elle revint dans la chambre de Sean et se blottit près de lui. Fermant les yeux, elle s’endormit très vite.

84
    Les jours suivants s’écoulèrent dans une sorte d’enchantement. Tess passait du temps avec Reilly le matin, avant de sortir pour de longues promenades, puis rentrait à l’heure du déjeuner. Elle ressortait en fin d’après-midi, généralement pour monter jusqu’aux ruines du château, d’où elle pouvait voir le soleil se fondre dans les eaux égéennes scintillantes. C’était le moment du jour