Le dernier templier

raison dès le début. Le monde mérite de connaître la vérité.
    Lançant des éclairs furieux, ses yeux roulaient dans leurs orbites et gardaient Reilly en point de mire.
    — Donnez-le-moi, ordonna Vance. Vite !
    L’agent fit une rapide évaluation de la situation. Le couteau était trop près de la gorge de Tess pour qu’il puisse agir, surtout dans son état de faiblesse. Il était plus sûr de donner le manuscrit à Vance et de traiter avec lui dès que la jeune femme serait hors de danger. D’une main, il fit un geste d’apaisement vers le professeur.
    — Du calme, d’accord ? Vous pouvez prendre ce maudit livre.
    Il tendit l’autre main, celle qui tenait le manuscrit.
    — Voilà. Prenez-le.
    — Non, s’interposa Tess avec colère. Ne le lui donne pas. On ne peut pas le laisser rendre ça public. C’est notre responsabilité. C’est ma responsabilité.
    Reilly secoua la tête.
    — Ta vie vaut plus que ça.
    — Sean...
    — Ce manuscrit ne vaut pas ton sacrifice, insista-t-il en lui adressant un regard fermement déterminé.
    Vance avait un petit sourire.
    — Mettez-le sur le mur et reculez. Lentement.
    L’agent déposa le manuscrit sur les pierres grossières et fit quelques pas en arrière. L’universitaire se déplaça vers le muret, traînant sa captive avec peine.
    Il resta quelques secondes debout à côté du manuscrit, presque effrayé à l’idée de le toucher. Puis il avança des doigts tremblants et, précautionneusement, souleva la couverture. Alors il se mit à le parcourir dans un silence émerveillé. Il tournait les feuilles de parchemin en se marmonnant à lui-même : Veritas vos liberabit. Un calme bienheureux émanait de ses traits las.
    — J’aurais vraiment aimé que tu partages ça, Tess, lui dit-il doucement. Tu verras. Ça va être merveilleux.
    À cet instant précis, la jeune femme décida d’agir. Elle écarta violemment le bras que le professeur avait passé autour de son épaule et se dégagea. Vance perdit l’équilibre. En tendant la main pour se retenir, il lâcha le couteau, qui rebondit sur le muret et disparut dans les buissons.
    L’historien se redressa, referma le manuscrit d’un coup et le saisit à deux mains. Il vit que Reilly venait de se placer entre le sentier menant vers la sortie des ruines et lui. L’agent du FBI lui barrait la route. Et Tess était à côté de lui.
    — C’est fini, dit Sean.
    Les yeux de Vance s’écarquillèrent comme s’il venait de recevoir un grand coup de poing dans le ventre. Il jeta de rapides coups d’oeil autour de lui. Son hésitation fut brève. Brusquement, il sauta par-dessus le mur et se précipita dans le lacis de ruines.
    Reilly fut prompt à réagir. Il enjamba le muret et courut sur ses talons. En quelques secondes, ils disparurent tous les deux derrière les vieilles pierres.
    — Reviens ! hurla Tess. Qu’il aille au diable, Sean ! Tu ne vas pas encore assez bien. Ne fais pas ça !
    S’il entendit ses cris, son compagnon ne s’arrêta pas. Haletant, progressant tant bien que mal sur la terre meuble et glissante, il gravissait la colline à la poursuite de Vance.

86
    Vance courait vite, engagé sur un sentier raide taillé dans le flanc de la montagne. Les quelques arbres et les oliveraies laissèrent rapidement place à des roches et des buissons secs. Regardant en arrière, il vit que Reilly le suivait toujours et jura intérieurement. Il scruta l’environnement immédiat. La ville n’était plus en vue, et même les ruines du château et les moulins à vent abandonnés avaient disparu. Sur sa droite, la pente de la montagne se raidissait abruptement, et à sa gauche, le sol rocheux s’incurvait brutalement pour filer vers la mer. Il n’y avait qu’une alternative. Soit il affrontait Reilly, soit il continuait. Il opta pour cette dernière solution.
    Derrière lui, l’agent du FBI haletait en essayant de ne pas se laisser distancer. Il avait l’impression que ses jambes étaient en caoutchouc. Les muscles de ses cuisses le brûlaient en dépit de la distance relativement courte qu’il avait couverte. Il trébucha sur un affleurement, mais parvint à garder son équilibre et évita de peu de se fouler la cheville. En se redressant, il ressentit un vertige et inspira plusieurs fois profondément. Durant quelques secondes, il ferma les paupières et se concentra en tentant de rassembler toute son énergie. Rouvrant les yeux, il regarda dans la direction de Vance. Au