Le dernier templier
toisa.
— Dis-moi, Lucien...
Juste pour l’embêter, il prononçait toujours « Loo-shin ».
— ... tu n’es quand même pas en train d’essayer de te mesurer à moi, hein ?
— Je suis sérieux. Pour une chose pareille, je veux vingt pour cent. Au moins. Je vais prendre un gros risque avec ça.
En réaction immédiate, l’Américain lança sa main pour reprendre le cou de l’antiquaire. Mais cette fois, celui-ci fut plus rapide : il se mit hors d’atteinte en faisant glisser sa chaise en arrière. Gus sortit alors calmement son Beretta, contourna la table et planta le canon de l’arme dans l’entrejambe de Boussard.
— Je ne sais pas ce qui t’a pris, mais tu vois, princesse, je ne suis pas d’humeur à négocier aujourd’hui. Je te fais une offre généreuse et toi, en réponse, tu essayes de profiter de la situation. Je suis vraiment déçu, mec.
— Non, attends, Gus...
Ce dernier releva son arme avec un haussement d’épaules.
— Je ne sais pas si tu as vu le meilleur moment, hier soir, à la télé. Dehors, avec le garde, c’était quelque chose. J’ai encore l’épée, tu sais ? Et laisse-moi te dire que je crève d’envie de recommencer à jouer à Conan le Barbare. Tu vois ce que je veux dire ?
Pendant un moment, tandis qu’il laissait Lucien suer à grosses gouttes, Gus réfléchit à la situation. S’il avait eu tout son temps, la peur qu’il inspirait au Français aurait oeuvré en sa faveur. Seulement il n’avait pas tout son temps. La croix valait une fortune. Peut-être même une somme à sept chiffres. Mais dans le cas présent, il se contenterait de ce qu’il pourrait obtenir et ce serait déjà formidable. Il avait pu gagner un délai grâce aux avances qu’on lui avait versées quand il avait accepté de participer au hold-up. Maintenant, il avait besoin de se débarrasser des sangsues qui s’accrochaient à son dos.
— Je vais te dire une dernière chose, lança-t-il à Lucien. Fais en sorte que je sois bien récompensé de ma peine et j’irai jusqu’à quinze.
Il surprit un frémissement dans les yeux chafouins du Français. C’était gagné : il avait mordu à l’hameçon.
Le propriétaire de la galerie ouvrit un tiroir et en sortit un appareil photo numérique.
— J’ai besoin de... commença-t-il.
L’autre hocha la tête.
— Prends tout ce que tu veux.
Lucien fit deux clichés de la croix. Il dressait déjà mentalement une liste de clients potentiels.
— Je vais passer quelques coups de téléphone, indiqua-t-il. Laisse-moi quelques jours.
Mauvais plan. Gus avait un besoin urgent de l’argent et de la liberté qu’il lui conférerait. Il lui fallait aussi quitter la ville en attendant que le calme retombe autour de l’affaire du musée.
— Non, non. Il faut que ça aille vite. Deux jours maxi.
Encore une fois, il sentit le cerveau de Boussard en ébullition derrière ses petits yeux. Il était probablement en train d’imaginer le marché qu’il allait proposer. L’antiquaire demanderait une grosse commission afin d’emporter la décision du vendeur... alors que celui-ci avait déjà donné son accord. Gus songea que d’ici quelques mois, quand il jugerait le moment opportun, il rendrait volontiers une nouvelle visite à Lucien.
— Reviens à six heures, demain, dit ce dernier. Je ne te promets rien, mais je vais faire de mon mieux.
— Je sais.
Gus récupéra la croix, attrapa un chiffon qui traînait sur la table et enveloppa la précieuse relique. Puis il remit le tout dans l’une des poches intérieures de son manteau, avant de faire disparaître le pistolet automatique dans une autre.
— Demain, jeta-t-il au commerçant.
Il grimaça un sourire dénué du moindre soupçon d’humour avant de sortir.
Lorsque le colosse disparut à l’angle de la rue, Lucien tremblait encore.
10
— Vous savez, je me serais bien passé de ça aujourd’hui, grommela Jansson alors que Sean Reilly s’installait face à son patron.
Nick Aparo et Amelia Gaines étaient déjà assis autour de la table dans le bureau du chef de l’antenne new-yorkaise du FBI. L’agent Roger Blackburn et deux de ses adjoints se trouvaient là eux aussi. Blackburn dirigeait la Task Force, l’unité en charge des crimes violents.
Plantés dans le bas de Manhattan, les quatre grands bâtiments gouvernementaux de Fédéral Plaza n’étaient situés qu’à quelques rues de Ground Zéro {10} . Ils hébergeaient vingt-cinq mille
Weitere Kostenlose Bücher