Le dernier templier

d’une bière... ou d’un verre de vin, peut-être ?
    — Non, sourit-il. Merci quand même.
    — Oh, j’oubliais. Vous êtes en service, c’est ça ? Du café alors ?
    — Non, ce n’est pas ça. C’est simplement...
    Il s’interrompit comme si une gêne l’empêchait de poursuivre.
    — Quoi ?
    Il attendit encore un instant avant de répondre.
    — C’est le carême.
    — Le carême ? Vraiment ?
    — Eh oui.
    — Et je devine que si vous le suivez, ce n’est pas seulement un prétexte pour perdre du poids, n’est-ce pas ?
    Il se contenta de secouer la tête.
    — Quarante jours sans picoler. Ouah !
    Elle rougit.
    — D’accord, ce n’est pas drôle. Je ne veux pas que vous vous fassiez une fausse idée. Je n’ai pas envie que vous me croyiez mûre pour les Alcooliques anonymes.
    — Trop tard. L’image est gravée.
    — Super.
    Elle se dirigea vers le réfrigérateur et se servit un verre de vin blanc.
    — C’est étrange. Je n’imaginais pas qu’on l’observait encore. Surtout dans cette ville.
    — En réalité, c’est au contraire un endroit parfait pour vivre une vie spirituelle.
    — Vous plaisantez ? New York ?
    — Non. C’est l’endroit parfait pour ça. Réfléchissez. Vous ne croyez pas qu’il y a quantité de défis moraux ou éthiques à relever ici ? Les différences entre le juste et le mauvais, entre le bien et le mal, sont définies dans cette ville. On est forcé de faire un choix.
    — Mais à quel point êtes-vous croyant ? Si ma question ne vous gêne pas.
    — Non, ça va.
    — Vous ne partez quand même pas dans une prairie perdue au milieu de nulle part parce que quelqu’un pense y avoir vu la Vierge apparaître dans les nuages ou ailleurs ?
    — Non. Pas récemment, en tout cas.
    Il se tut avant de continuer :
    — Je devine que vous n’êtes pas une personne particulièrement croyante.
    — Eh bien... Disons que, pour arriver à me faire crapahuter dans la campagne pour un motif pareil, j’aurais besoin de quelque chose d’un peu plus probant.
    — Quelque chose d’un peu plus probant... Vous êtes en train de dire que vous auriez besoin d’un signe. Un miracle irréfutable et prouvé ?
    — Quelque chose comme ça.
    Il ne répondit rien, se contentant de sourire.
    — Quoi ?
    — Vous savez, le problème avec les miracles, c’est que... si vous avez la foi, vous n’en avez pas besoin. Et si vous doutez, si vous êtes sceptique, vous n’avez jamais assez de preuves.
    — Oh, il y a bien quelques petites choses qui parviendraient à me convaincre.
    — Peut-être qu’elles sont là, sous vos yeux, mais que vous ne les voyez pas.
    Sa réponse acheva de la déconcerter.
    — Stop. Vous êtes un agent du FBI et vous êtes en train de me dire que vous croyez aux miracles ?
    — Vous êtes sur le point de traverser une rue. Soudain, sans raison particulière, alors que vous allez descendre du trottoir, vous vous arrêtez. Et, à la seconde même où vous vous immobilisez, un bus ou un camion passe devant vous à toute vitesse, à quelques centimètres de votre visage, exactement à l’endroit où vous vous seriez trouvée si vous ne vous étiez pas arrêtée. Vous ne savez pas quoi, mais quelque chose vous a incitée à vous immobiliser. Quelque chose vous a sauvé la vie. Vous direz probablement ensuite : « C’est un miracle. Je suis encore en vie. » Eh bien pour moi, c’est exactement ce que c’est : un miracle.
    — Vous appelez ça un miracle ? J’appelle ça le hasard ou la chance.
    — Il est facile d’avoir la foi quand on voit un miracle. Le vrai test de la foi, c’est quand il n’y a aucun signe.
    Elle était encore plus perplexe : elle ne s’attendait pas à cet aspect de sa personnalité. Que devait-elle en penser ? À dire vrai, elle n’en savait rien, bien qu’elle fut certaine de ne pas être une grande adepte de cette façon de voir les choses.
    — Vous êtes sérieux ?
    — Absolument.
    — Bon. Mais expliquez-moi une chose. Comment la foi — je veux dire la vraie foi, une foi sincère comme la vôtre — s’accorde-t-elle avec la profession d’enquêteur ?
    — Que voulez-vous dire ?
    — Un enquêteur ne peut croire quelqu’un sur parole. Vous ne pouvez pas considérer d’emblée quelque chose comme certain. Il vous faut des faits, des preuves.
    — Oui.
    Il ne semblait pas troublé par la question.
    — Donc comment conciliez-vous ça avec votre foi ?
    — Ma