Le dernier templier

estimant que ce qui pouvait être accompli dans la nature pouvait aussi l’être dans le coeur et l’esprit.
    Sous ce masque spirituel, la pierre philosophale qu’ils cherchaient était censée provoquer une conversion aussi bien spirituelle que physique. En somme, l’alchimie promettait, à ceux qui auraient été capables d’élucider les grands secrets, la richesse, la longévité et même l’immortalité.
    Au XII e siècle, cependant, l’alchimie apparaissait mystérieuse et effrayante à tous ceux qui ne l’avaient jamais approchée. Les alchimistes utilisaient des instruments étranges et des incantations mystiques : ils avaient recours à des symboles cryptés et à des couleurs allégoriques. Les théories d’Aristote furent finalement interdites. À l’époque, toute science — car l’alchimie était alors considérée comme telle — était perçue comme un défi à l’autorité de l’Église. Et une science qui promettait la purification spirituelle la menaçait directement.
    — Ce qui pourrait encore expliquer, continua De Angelis, pourquoi le Vatican a laissé la persécution s’exercer contre les Templiers sans s’y opposer. Le moment, le lieu, l’origine de l’affaire... tout concorde.
    L’ecclésiastique fixa ses interlocuteurs l’un après l’autre.
    — Maintenant, comprenez-moi bien, dit-il en affichant un large sourire. Je ne suis pas en train d’affirmer qu’une telle formule existe, même si cette théorie ne me semble pas plus difficile à croire que toutes les fantaisies relatives au grand secret des Templiers évoquées autour de cette table ou ailleurs. Ce que je dis simplement, c’est qu’un homme qui a perdu le contact avec la réalité peut aisément croire qu’une telle formule existe.
    Tess regarda Reilly et hésita avant de refaire face à De Angelis.
    — Pourquoi Vance voudrait-il de l’or ?
    — Vous oubliez que l’homme n’a pas l’esprit très clair. Vous l’avez dit vous-même, madame Chaykin. Il suffit de voir ce qui s’est passé au Met pour le comprendre. Ce n’était pas un plan conçu par un esprit sain. Donc, dès lors que vous savez que ce n’est pas un homme qui se comporte rationnellement, tout est possible. Il peut s’agir pour lui d’un moyen d’atteindre son objectif, le financement qui lui permettra de réaliser ses desseins déments. Cet homme a basculé dans la folie. Il s’est embarqué dans une chasse au trésor délirante, j’en suis certain. Quel que soit l’objet de sa quête, tôt ou tard il va réaliser qu’il poursuit une chimère. Et je n’ose imaginer ses réactions quand ce moment arrivera.
    — Quel que soit l’objet de sa quête, en tout cas, souligna Jansson en reprenant les mots de De Angelis, il ne semble pas se soucier du nombre de cadavres qu’il va laisser derrière lui pour l’atteindre. Nous devons l’arrêter. La seule chose que nous ayons sous la main à l’heure actuelle, ce sont ces maudits papiers.
    Il brandissait la copie du manuscrit.
    — Si nous pouvions déchiffrer ce texte, il pourrait peut-être nous indiquer quelle sera sa prochaine action.
    Il se tourna vers Reilly.
    — Que dit la NSA {22}  ?
    — Rien d’encourageant. J’ai parlé à Terry Kendricks avant de venir ici. Il n’est pas optimiste.
    — Pourquoi ?
    — Ils savent que le système utilisé est un code de substitution basique polyalphabétique. Rien de sophistiqué. Les militaires emploient ce genre de cryptage depuis des décennies. Mais il est fondé sur des fréquences d’occurrences suivant des schémas spécifiques. En gros, vous repérez des mots qui se répètent, vous déduisez ce qu’ils sont, et vous travaillez dessus jusqu’à ce que vous découvriez la clé. Ensuite, il suffit de revenir en arrière. Seulement ici, ils n’ont pas assez de matière pour travailler. Si le document était plus long, ou s’ils disposaient d’autres textes utilisant le même code, ils pourraient déduire la clé assez facilement. Mais six pages, c’est trop peu pour avancer.
    Le visage de Jansson s’assombrit.
    — Incroyable. On leur alloue chaque année un budget de plusieurs milliards de dollars et ils ne sont même pas capables de briser un code élaboré par une poignée de moines il y a sept cents ans ?
    Il haussa les épaules et sifflota.
    — Bon. Oublions donc ce manuscrit et concentrons-nous sur autre chose. Il faut repasser en revue tout ce que nous avons et trouver une nouvelle piste à