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Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Titel: Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Lafargue
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chômages reviennent avec
la régularité des saisons. Au surtravail meurtrier pour l’organisme
succède le repos absolu, pendant des trois et six mois ; et
plus de travail, plus de pitance. Puisque le vice du travail est
diaboliquement chevillé dans le cœur des ouvriers ; puisque
ses exigences étouffent tous les autres instincts de la
nature ; puisque la quantité de travail requise par la société
est forcément limitée par la consommation et par l’abondance de la
matière première, pourquoi dévorer en six mois le travail de toute
l’année ? Pourquoi ne pas le distribuer uniformément sur les
douze mois et forcer tout ouvrier à se contenter de six ou cinq
heures par jour, pendant l’année, au lieu de prendre des
indigestions de douze heures pendant six mois ? Assurés de
leur part quotidienne de travail, les ouvriers ne se jalouseront
plus, ne se battront plus pour s’arracher le travail des mains et
le pain de la bouche ; alors, non épuisés de corps et
d’esprit, ils commenceront à pratiquer les vertus de la
Paresse.
    Abêtis par leur vice, les ouvriers n’ont pu
s’élever à l’intelligence de ce fait que, pour avoir du travail
pour tous, il fallait le rationner comme l’eau sur un navire en
détresse. Cependant les industriels, au nom de l’exploitation
capitaliste, ont depuis longtemps demandé une limitation légale de
la journée de travail. Devant la Commission de 1860 sur
l’enseignement professionnel, un des plus grands manufacturiers de
l’Alsace, M. Bourcart, de Guebwiller, déclarait :
    « Que la journée de douze heures était
excessive et devait être ramenée à onze heures, que l’on devait
suspendre le travail à deux heures le samedi. Je puis conseiller
l’adoption de cette mesure quoiqu’elle paraisse onéreuse à première
vue ; nous l’avons expérimentée dans nos établissements
industriels depuis quatre ans et nous nous en trouvons bien, et la
production moyenne, loin d’avoir diminué, a augmenté. »
    Dans son étude sur les
machines
,
M. F. Passy cite la lettre suivante d’un grand industriel
belge, M. M. Ottavaere : « Nos machines,
quoique les mêmes que celles des filatures anglaises, ne produisent
pas ce qu’elles devraient produire et ce que produiraient ces mêmes
machines en Angleterre, quoique les filatures travaillent deux
heures de moins par jour. […] Nous travaillons tous
deux
grandes heures de trop
 ; j’ai la conviction que si l’on
ne travaillait que onze heures au lieu de treize, nous aurions la
même production et produirions par conséquent plus
économiquement. »
    D’un autre côté, M. Leroy-Beaulieu
affirme que « c’est une observation d’un grand manufacturier
belge que les semaines où tombe un jour férié n’apportent pas une
production inférieure à celle des semaines ordinaires [19]  ».
    Ce que le peuple, pipé en sa simplesse par les
moralistes, n’a jamais osé, un gouvernement aristocratique l’a osé.
Méprisant les hautes considérations morales et industrielles des
économistes, qui, comme des oiseaux de mauvais augure, croassaient
que diminuer d’une heure le travail des fabriques c’était décréter
la ruine de l’industrie anglaise, le gouvernement de l’Angleterre a
défendu par une loi, strictement observée, de travailler plus de
dix heures par jour ; et après comme avant, l’Angleterre
demeure la première nation industrielle du monde.
    La grande expérience anglaise est là,
l’expérience de quelques capitalistes intelligents est là, elle
démontre irréfutablement que, pour puissancer la productivité
humaine, il faut réduire les heures de travail et multiplier les
jours de paye et de fêtes, et le peuple français n’est pas
convaincu. Mais si une misérable réduction de deux heures a
augmenté en dix ans de près d’un tiers la production
anglaise [20] , quelle marche vertigineuse imprimera à
la production française une réduction légale de la journée de
travail à trois heures ? Les ouvriers ne peuvent-ils donc
comprendre qu’en se surmenant de travail, ils épuisent leurs forces
et celles de leur progéniture ; que, usés, ils arrivent avant
l’âge à être incapables de tout travail ; qu’absorbés, abrutis
par un seul vice, ils ne sont plus des hommes, mais des tronçons
d’hommes ; qu’ils tuent en eux toutes les belles facultés pour
ne laisser debout et luxuriante que la folie furibonde du
travail ?
    Ah ! comme des perroquets d’Arcadie

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