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Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Titel: Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Lafargue
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avait fait la Révolution de 89,
qui avait proclamé les pompeux
Droits de l’homme
, des
manufactures où la journée était de seize heures, sur lesquelles on
accordait aux ouvriers une heure et demie pour les repas [10] .
    Ô misérable avortement des principes
révolutionnaires de la bourgeoisie ! ô lugubre présent de son
dieu Progrès ! Les philanthropes acclament bienfaiteurs de
l’humanité ceux qui, pour s’enrichir en fainéantant, donnent du
travail aux pauvres ; mieux vaudrait semer la peste,
empoisonner les sources que d’ériger une fabrique au milieu d’une
population rustique. Introduisez le travail de fabrique, et adieu
joie, santé, liberté ; adieu tout ce qui fait la vie belle et
digne d’être vécue [11] .
    Et les économistes s’en vont répétant aux
ouvriers : Travaillez pour augmenter la fortune sociale !
et cependant un économiste, Destut de Tracy, leur répond :
    « Les nations pauvres, c’est là où le
peuple est à son aise ; les nations riches, c’est là où il est
ordinairement pauvre. »
    Et son disciple Cherbuliez de
continuer :
    « Les travailleurs eux-mêmes, en
coopérant à l’accumulation des capitaux productifs, contribuent à
l’événement qui, tôt ou tard, doit les priver d’une partie de leur
salaire. »
    Mais, assourdis et idiotisés par leurs propres
hululements, les économistes de répondre : Travaillez,
travaillez toujours pour créer votre bien-être ! Et, au nom de
la mansuétude chrétienne, un prêtre de l’Église anglicane, le
révérend Towsend, psalmodie : Travaillez, travaillez nuit et
jour ; en travaillant, vous faites croître votre misère, et
votre misère nous dispense de vous imposer le travail par la force
de la loi. L’imposition légale du travail « donne trop de
peine, exige trop de violence et fait trop de bruit ; la faim,
au contraire, est non seulement une pression paisible, silencieuse,
incessante, mais comme le mobile le plus naturel du travail et de
l’industrie, elle provoque aussi les efforts les plus
puissants ».
    Travaillez, travaillez, prolétaires, pour
agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles,
travaillez, travaillez, pour que, devenant plus pauvres, vous ayez
plus de raisons de travailler et d’être misérables. Telle est la
loi inexorable de la production capitaliste. Parce que prêtant
l’oreille aux fallacieuses paroles des économistes, les prolétaires
se sont livrés corps et âme au vice du travail, ils précipitent la
société tout entière dans ces crises industrielles de surproduction
qui convulsent l’organisme social. Alors, parce qu’il y a pléthore
de marchandises et pénurie d’acheteurs, les ateliers se ferment et
la faim cingle les populations ouvrières de son fouet aux mille
lanières. Les prolétaires, abrutis par le dogme du travail, ne
comprenant pas que le surtravail qu’ils se sont infligé pendant le
temps de prétendue prospérité est la cause de leur misère présente,
au lieu de courir au grenier à blé et de crier : « Nous
avons faim et nous voulons manger !… Vrai, nous n’avons pas un
rouge liard, mais tout gueux que nous sommes, c’est nous cependant
qui avons moissonné le blé et vendangé le raisin… » Au lieu
d’assiéger les magasins de M. Bonnet, de Jujurieux,
l’inventeur des couvents industriels, et de clamer :
« Monsieur Bonnet, voici vos ouvrières ovalistes, moulineuses,
fileuses, tisseuses, elles grelottent sous leurs cotonnades
rapetassées à chagriner l’œil d’un juif et, cependant, ce sont
elles qui ont filé et tissé les robes de soie des cocottes de toute
la chrétienté. Les pauvresses, travaillant treize heures par jour,
n’avaient pas le temps de songer à la toilette, maintenant, elles
chôment et peuvent faire du frou-frou avec les soieries qu’elles
ont ouvrées. Dès qu’elles ont perdu leurs dents de lait, elles se
sont dévouées à votre fortune et ont vécu dans l’abstinence ;
maintenant, elles ont des loisirs et veulent jouir un peu des
fruits de leur travail. Allons, Monsieur Bonnet, livrez vos
soieries, M. Harmel fournira ses mousselines,
M. Pouyer-Quertier ses calicots, M. Pinet ses bottines
pour leurs chers petits pieds froids et humides… Vêtues de pied en
cap et fringantes, elles vous feront plaisir à contempler. Allons,
pas de tergiversations – vous êtes l’ami de l’humanité, n’est-ce
pas, et chrétien par-dessus le marché ? – Mettez à la
disposition de

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