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Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Titel: Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Lafargue
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vos ouvrières la fortune qu’elles vous ont édifiée
avec la chair de leur chair. Vous êtes ami du commerce ? –
Facilitez la circulation des marchandises ; voici des
consommateurs tout trouvés ; ouvrez-leur des crédits
illimités. Vous êtes bien obligé d’en faire à des négociants que
vous ne connaissez ni d’Adam ni d’Ève, qui ne vous ont rien donné,
même pas un verre d’eau. Vos ouvrières s’acquitteront comme elles
le pourront : si, au jour de l’échéance, elles gambettisent et
laissent protester leur signature, vous les mettrez en faillite, et
si elles n’ont rien à saisir, vous exigerez qu’elles vous paient en
prières : elles vous enverront en paradis, mieux que vos sacs
noirs, au nez gorgé de tabac. »
    Au lieu de profiter des moments de crise pour
une distribution générale des produits et un gaudissement
universel, les ouvriers, crevant de faim, s’en vont battre de leur
tête les portes de l’atelier. Avec des figures hâves, des corps
amaigris, des discours piteux, ils assaillent les fabricants :
« Bon M. Chagot, doux M. Schneider, donnez-nous du
travail, ce n’est pas la faim, mais la passion du travail qui nous
tourmente ! » Et ces misérables, qui ont à peine la force
de se tenir debout, vendent douze et quatorze heures de travail
deux fois moins cher que lorsqu’ils avaient du pain sur la planche.
Et les philanthropes de l’industrie de profiter des chômages pour
fabriquer à meilleur marché.
    Si les crises industrielles suivent les
périodes de surtravail aussi fatalement que la nuit le jour,
traînant après elles le chômage forcé et la misère sans issue,
elles amènent aussi la banqueroute inexorable. Tant que le
fabricant a du crédit, il lâche la bride à la rage du travail, il
emprunte et emprunte encore pour fournir la matière première aux
ouvriers. Il fait produire, sans réfléchir que le marché s’engorge
et que, si ses marchandises n’arrivent pas à la vente, ses billets
viendront à l’échéance. Acculé, il va implorer le juif, il se jette
à ses pieds, lui offre son sang, son honneur. « Un petit peu
d’or ferait mieux mon affaire, répond le Rothschild, vous avez 20
000 paires de bas en magasin, ils valent vingt sous, je les prends
à quatre sous. » Les bas obtenus, le juif les vend six et huit
sous, et empoche les frétillantes pièces de cent sous qui ne
doivent rien à personne : mais le fabricant a reculé pour
mieux sauter. Enfin la débâcle arrive et les magasins
dégorgent ; on jette alors tant de marchandises par la
fenêtre, qu’on ne sait comment elles sont entrées par la porte.
C’est par centaines de millions que se chiffre la valeur des
marchandises détruites ; au siècle dernier, on les brûlait ou
on les jetait à l’eau [12] . Mais
avant d’aboutir à cette conclusion, les fabricants parcourent le
monde en quête de débouchés pour les marchandises qui
s’entassent ; ils forcent leur gouvernement à s’annexer des
Congo, à s’emparer des Tonkin, à démolir à coups de canon les
murailles de la Chine, pour y écouler leurs cotonnades. Aux siècles
derniers, c’était un duel à mort entre la France et l’Angleterre, à
qui aurait le privilège exclusif de vendre en Amérique et aux
Indes. Des milliers d’hommes jeunes et vigoureux ont rougi de leur
sang les mers, pendant les guerres coloniales des XVI e ,
XVII e et XVIII e siècles.
    Les capitaux abondent comme les marchandises.
Les financiers ne savent plus où les placer ; ils vont alors
chez les nations heureuses qui lézardent au soleil en fumant des
cigarettes, poser des chemins de fer, ériger des fabriques et
importer la malédiction du travail. Et cette exportation de
capitaux français se termine un beau matin par des complications
diplomatiques : en Égypte, la France, l’Angleterre et
l’Allemagne étaient sur le point de se prendre aux cheveux pour
savoir quels usuriers seraient payés les premiers ; par des
guerres du Mexique où l’on envoie les soldats français faire le
métier d’huissier pour recouvrer de mauvaises dettes [13] .
    Ces misères individuelles et sociales, pour
grandes et innombrables qu’elles soient, pour éternelles qu’elles
paraissent, s’évanouiront comme les hyènes et les chacals à
l’approche du lion, quand le prolétariat dira : « Je le
veux. » Mais pour qu’il parvienne à la conscience de sa force,
il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la
morale

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