Le Druidisme
constituait un danger permanent.
Ainsi se trouve exprimée l’existence d’un centre en quelque
sorte international du druidisme. Était-ce un sanctuaire ? Sans doute,
mais avant tout une école chargée de maintenir une tradition et de la répandre
à qui de droit. Il est quand même remarquable que les textes irlandais
signalent tous l’importance de l’île de Bretagne dans l’initiation des jeunes
gens : c’est là que le héros Cûchulainn va parfaire son éducation, et il
n’est pas le seul. Ce qu’on ne sait pas, c’est si ce centre druidique était
unique, et dans ce cas, où il se trouvait. On a avancé plusieurs hypothèses, en
particulier celle de Bangor, dans le nord du Pays de Galles : le nom de
Bangor signifie « collège », « assemblée », et il se
retrouve sous cette même forme en Irlande et à Belle-Île en Mer, en Bretagne
armoricaine, témoignant peut-être de deuxfiliales
du Bangor gallois. Il est possible que ce soit l’île de Mona, la mystérieuse
Môn de la tradition galloise, aujourd’hui Anglesey : en l’an 58 de notre
ère, il y avait là un immense établissement de druides, d’après le témoignage
de Tacite ( Annales , XIV, 29-30), établissement
qui fut ravagé et détruit par l’armée romaine de Paulinus Suetonius au moment
de la révolte générale de la Bretagne.
Quoi qu’il en soit, toutes ces observations nous font apercevoir
que l’institution druidique est fortement structurée, à la fois dans le cadre
de la tribu et du peuple, dans le cadre de la Gaule tout entière et dans le
cadre de la communauté celtique d’origine. Cela nous confirme dans la certitude
que le druidisme est la religion de tous les Celtes. Et cela contribue
également à mettre en lumière que l’institution druidique, avec ses structures
et sa hiérarchie de tendance « fédérale », est absolument inséparable
de la société celtique avec laquelle elle fait corps et dont elle constitue
l’ossature spirituelle.
3) LES DRUIDES ET LA SOCIÉTÉ
Or cette institution druidique a disparu, non pas brutalement,
mais lentement, à partir du premier siècle avant notre ère, en Gaule, jusqu’au
VI e siècle de notre ère en Irlande et
dans l’île de Bretagne. On s’est longuement interrogé sur les causes de cette
disparition et on en a donné des réponses multiples. La plus connue est celle
de l’interdiction du druidisme par les autorités romaines. C’est une
contre-vérité. Les Romains, sur le plan religieux, et sans doute parce qu’ils
étaient fondamentalement agnostiques, ont été le peuple le plus tolérant qu’on
ait jamais vu. Ils ont admis à Rome les cultes les plus divers, veillant seulement
à ce que ceux-ci ne troublassent point l’ordre public. Et s’ils ont persécuté
les chrétiens, c’est pour des raisons politiques, parce que ceux-ci refusaient
de sacrifier aux dieux de l’État, parce qu’ils entraient en sédition contre
l’État, c’est tout : il n’y a jamais eu dans l’attitude des Romains contre
les chrétiens la moindre motivation spirituelle ou métaphysique. Il en a été de
même pour le druidisme : les Romains n’ont jamais interdit le culte, ils
ont interdit l’enseignement des druides qu’ils jugeaient dangereux pour l’ordre
social qu’ils voulaient imposer, la doctrine druidique étant en contradiction
avec le système romain [16] . Mais
il est bien évident qu’en empêchant les druides de dispenser leur enseignement
et en remplaçant les écoles druidiques par des écoles romaines du type de celle
d’Autun, on portait un coup mortel à la religion elle-même.
Une seconde raison avancée pour expliquer cette disparition
du druidisme est le triomphe du christianisme. L’argument a beaucoup plus de
valeur, mais il demande à être intégré dans un ensemble complexe [17] et ne
constitue qu’une réponse partielle au problème posé. Il en est de même pour le
problème de la disparition de la langue gauloise, disparition due en grande
partie au fait que c’est le latin de la religion chrétienne qui a eu raison du
gaulois, langue des pagani non encore
convertis, c’est-à-dire des « païens », et non le latin des
conquérants romains. De toute façon, l’Irlande, qui n’a jamais connue
d’occupation romaine, a gardé sa langue celtique tout en se convertissant sans
heurt au christianisme. Cela montre que le problème n’est pas si simple à
résoudre.
En réalité, la disparition de l’institution
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