Le Druidisme
druidique
coïncide exactement avec la disparition des sociétés celtiques. Une fois la
Gaule administrée à la façon romaine, une fois les Gaulois pris dans
l’engrenage des lois latines [18] et
prudemment autorisés à devenir citoyens romains, l’institution druidique
n’avait plus de raison d’être. Dans l’île de Bretagne, la romanisation a été superficielle,
et dès la fin de l’empire (souvent même avant), la société celtique a refait
surface pour un temps, avant de succomber sous l’assaut des Saxons : mais
cette société était déjà chrétienne, comme en Irlande, où elle ne se maintenait
que parce que les prêtres, les moines, les abbés et les évêques chrétiens
jouaient strictement le même rôle social que les anciens druides [19] .
L’Irlande à structures celtiques a perduré jusqu’au XII e siècle, jusqu’au moment de la pénétration des
Cisterciens et de la mainmise d’Henry II Plantagenêt, mais seulement en raison
du caractère particulier qu’y possédait le christianisme. En Gaule, comme en
Bretagne armoricaine, le druidisme est mort de la mort de la société celtique.
Cela ne veut pas dire que tout le druidisme ait disparu. Les religions ne s’effondrent jamais d’un coup. Ce
qui est mort, c’est l’institution druidique elle-même, son organisation, son
système hiérarchique, son enseignement, l’influence qu’il avait sur la vie
politique et sociale. D’abord, il est infiniment probable qu’une fois interdits
d’enseignement, certains druides se soient retirés dans des régions plus ou
moins reculées et qu’ils aient continué, dans le secret, à répandre leur
doctrine à qui voulait les entendre. Mais, précisément, ceux qui voulaient
encore les entendre étaient-ils nombreux ? Il est permis d’en douter. Si
les écoles druidiques se sont maintenues encore un temps après la conquête, de
façon clandestine, ce ne peut être que sous une forme de plus en plus altérée
de génération en génération : des témoignages des III e et IV e siècles
font état de druides ou de « druidesses » qui sont encore en
activité, mais dans quel état ! Ce ne sont plus que des devins, des
prophétesses de bas étage, ou des sorciers de village. Que ces personnages
aient recueilli tout ou partie de l’héritage des anciens druides, c’est
possible, mais on se doit de constater qu’ils ne l’ont guère mis à profit et
qu’ils n’ont pas laissé un souvenir impérissable dans l’Histoire.
Ensuite, une autre remarque s’impose. Si le druidisme a laissé
des traces, ce ne peut être que dans les consciences, dans les mentalités.
L’histoire ultérieure de la Gaule romaine, puis de la Gaule franque, mériterait
d’être étudiée en fonction de ce postulat, la façon dont ont vécu les premiers
Gaulois chrétiens également. Et puis, comme toute tradition non officielle est
refoulée, elle se retrouve dans ce qu’on appelle la « sagesse
populaire ». Le trésor des contes, des chansons populaires, des coutumes,
des superstitions, des rituels religieux dans le territoire de l’ancienne Gaule
peut devenir une mine de renseignements pour ceux qui recherchent avec patience
et objectivité de possibles survivances du druidisme. Il en est de même en
Grande-Bretagne où, sous le vernis saxon et chrétien, se décèlent bien
d’étranges substrats. C’est en Écosse, pays celtique, que la Franc-Maçonnerie
est née au XVIII e siècle, avec ses rites
et ses croyances. C’est au Pays de Galles, région demeurée très celtique en
dépit du poids de la religion méthodiste, qu’est apparu, à la fin du XVIII e siècle, un mouvement néo-druidique qui s’est
ensuite répandu un peu partout. Bien que ce néo-druidisme soit le résultat d’un
bizarre syncrétisme intellectuel où l’imagination a joué un rôle à peu près
exclusif, ce n’est certainement pas sans raison : cette résurgence d’un
esprit « druidique », même inventé de toutes pièces, correspondait à
un besoin profond, rejoignait une demande inconsciente. Cet esprit
« druidique », il n’est sûrement pas mort. Encore faudrait-il le
définir. Encore faudrait-il qu’il s’appuie sur des structures sociales
adéquates qui lui permettent de se manifester réellement. Ce n’est pas le cas.
Répétons-le : le druidisme (avec toutes les réserves
qu’on peut faire sur ce terme récent) n’a aucune valeur, ni même aucune
existence en dehors de la société
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