Le Druidisme
demande certains efforts, en particulier une recherche personnelle,
une quête , au bout de laquelle on n’est même
pas sûr de découvrir l’entrée mystérieuse du château du Graal. Il est tellement
plus simple de s’accrocher à une institution hiérarchisée, normalisée,
présentant toutes les garanties, bien sécurisante parce que bien assise. Dans
toutes les gares, il y a des bancs pour s’asseoir. On peut même y rester des
heures à regarder passer les trains.
La découverte de la tradition occidentale passe par la connaissance
de notre passé culturel, l’authentique passé culturel et non pas celui qu’on
enseigne dans les écoles depuis des siècles d’hégémonie méditerranéenne, lequel
n’est en dernière analyse que le passé de l’Antiquité gréco-romaine classique
plus ou moins remis au goût du jour. Avant le désastre d’Alésia, il y avait
autre chose, il y avait un autre système de valeurs, une autre appréhension du
réel, une autre façon de penser et de sentir, une autre conception de l’esprit.
Tout cela n’a pas disparu du jour au lendemain. Il en reste, non seulement des
vestiges qu’on pourrait classer dans les musées ou les bibliothèques, mais des
graines vivantes qui ne demandent qu’à être semées.
Car ce sont des graines. Et ces graines peuvent donner
d’autres fruits que ceux que l’on connaît actuellement. Et ces fruits seront
nécessairement différents des fruits d’avant la romanisation : le temps
n’est plus le même, et la société a évolué de façon irrémédiable. Il serait
absurde de vouloir reconstituer le druidisme, religion des Gaulois et de
l’ensemble des Celtes, en en faisant une religion actuelle. Le druidisme étant
à la fois l’archétype de la société celtique et son émanation, toute tentative
de ce genre serait aller à l’encontre même des grands principes druidiques et
entretiendrait une confusion totale dans les esprits. C’est malheureusement ce
qui s’est passé : le druidisme a tellement enflammé les imaginations que,
par le fait même qu’il est mal connu, il est devenu un point de cristallisation
pour tous les fantasmes d’une spiritualité en attente. En vérité, on ne connaît
les druides et le druidisme que par ouï-dire, ce qui permet les pires
romans-feuilletons sur le sujet. « La religion des Gaulois est à la fois
peu connue et mal connue. Elle est peu connue parce que les documents qui la
concernent sont bien loin d’avoir été réunis et classés », disait Henri
Gaidoz, fondateur de La Revue celtique , en
1879 [3] .
Aujourd’hui, on connaît davantage de documents et on les a mieux classés. Mais
il y a beaucoup à faire encore avant de découvrir qui étaient les druides et en
quoi consistait le druidisme.
En effet, Henri Gaidoz fait remarquer que, connaissant très
mal la religion des Gaulois, on a eu trop tendance à la considérer seulement comme un système philosophique, éliminant
tout aspect rituel et même magique. « On a appelé ce système et par suite
la religion des Gaulois du nom de druidisme ,
mot formé dans ce siècle sur le nom que les Gaulois donnaient à leurs prêtres,
ce mot ne correspondant à aucune réalité historique. » Il faudrait un peu
rectifier ce jugement en précisant que le terme « druidisme » a été
employé déjà par les Irlandais du Moyen Âge pour désigner d’une façon très
vague ce qui avait rapport aux druides, et que ce terme, pour nos
contemporains, recouvre tout l’ensemble du domaine religieux celtique, spéculations
intellectuelles, pratiques culturelles ou magiques, croyances diverses,
sciences profanes ou dites telles, relevant des prêtres celtes. Mais il est
exact que le mot druidisme demeure très
brumeux dans la mesure où il désigne non seulement un système religieux, mais
une vaste tradition intellectuelle, technique et spirituelle, commune à tous
les peuples celtes, caractéristique des sociétés celtiques, et perdue,
semble-t-il, non pas par la faute de la romanisation – que l’Irlande n’a jamais
connue –, mais à cause du christianisme. En un sens, le druidisme est l’ensemble des conceptions
religieuses, intellectuelles, artistiques, sociales et scientifiques des
Celtes, avant que ceux-ci ne se convertissent à la religion chrétienne.
Une telle portée a donné au druidisme ses lettres de noblesse. Mais comme nous ne sommes guère renseignés sur
le contenu réel de ce système, il faut bien convenir que
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