Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
couronnement de Terpsichore, la muse de la danse, en procession sur un char tiré par des cupidons, des bacchantes, des grâces et des faunes. L’affaire n’étant pas entamée ni le permis accordé, Nicolas supposa que la Guimard offrait une réception sur l’emplacement choisi de son hôtel.
    Après mûres réflexions, il décida de rentrer rue Montmartre pour se changer et rejoindre ensuite la Chaussée-d’Antin où la probable présence de M. de La Borde faciliterait son introduction. Il eut un moment la tentation d’occuper le temps qui s’offrait à lui pour appréhender le major Langlumé, mais rien ne prouvait qu’il le trouverait au logis et il se soupçonna de vouloir, ce faisant, satisfaire une rancune et une animosité toutes personnelles. Rue Montmartre, il apprit que M. de Noblecourt, fatigué, avait consenti à répondre aux objurgations réunies de Marion et Catherine et qu’une bonne tisane dépurative lui avait été imposée afin de combattre les conséquences du régime outrancier autorisé par un médecin que les deux commères vouaient aux gémonies. Elles profitaient de cette tranquillité pour préparer des confitures de cerises dont le parfum aigrelet flottait dans tout l’hôtel. Nicolas qui, enfant, adorait écumer les bassines regretta de ne pas en avoir le loisir. Il les prévint qu’il allait se laver à grande eau à la fontaine de la cour dans sa natureté. Elles protestèrent arguant qu’il outrageait la pudeur et allait prendre malmort 90 à ces pratiques insensées. Seul Poitevin, habituellement silencieux, le soutint en prétendant que ce qui était bon pour les chevaux ne saurait être mauvais pour les humains. On rit beaucoup de cette sortie et Nicolas quitta la cuisine, chassé par les deux femmes mi-ravies, mi-furieuses.
    Après son ébrouement, il remonta s’habiller. Il se considéra un moment dans un miroir. Le jeune homme de ses débuts avait forci. Son visage s’était durci sans s’empâter. Les cicatrices qui le marquaient depuis l’adolescence et d’autres plus récentes soulignaient le sérieux d’une physionomie amène où des rides commençaient à surgir. La trentaine n’avait pas modifié l’apparence de jeunesse ; il offrait désormais l’image d’un homme à peine effleuré par les épreuves traversées. Un fil blanc dans sa chevelure le frappa cependant comme une incongruité. Il choisit avec soin un habit de satin prune et une cravate de dentelle de Bruges dont il laissa couler avec plaisir le flot dans ses mains pour en apprécier la légèreté. Il noua ses cheveux avec un ruban assorti à la couleur de son habit et orna ses souliers de boucles d’argent étincelantes. Après tout, il n’était pas invité et il n’était pas question de paraître dans une tenue qui ne plaiderait pas en sa faveur. La présence de La Borde justifiait ce redoublement de soins ; il ne souhaitait pas faire honte à un ami, arbitre des élégances à Paris et à Versailles.

    À dix heures, Nicolas retrouva son cocher qui avait pris du repos et changé la monture de l’attelage. La Chaussée d’Antin ne se trouvait pas éloignée de la Comédie italienne où une enquête, déjà ancienne, l’avait conduit. Le quartier vers les Porcherons, au sud de la butte Montmartre, demeurait encore campagnard. La Chaussée d’Antin prenait tout juste son essor sur des sites libérés par la vente de biens appartenant à des ordres religieux. Ce n’était encore qu’un vaste espace autour de maisons éparses au milieu des jardins et des marais. Mais elle attirait désormais l’opulence qui tendait à y fixer ses brillants domiciles.
    Il erra assez longtemps avant d’être attiré par une cohue de voitures et de laquais portant des flambeaux. Le long de la chaussée, au milieu d’un verger, un long bâtiment de bois avait été édifié avec des décorations en trompe-l’œil. Sous le porche à l’antique, des Noirs enrubannés éclairaient l’entrée des invités. Une foule silencieuse, tenue à distance par des valets, considérait ce déploiement de splendeurs. Nicolas descendit de sa voiture et s’approcha. Un majordome recueillait les invitations reliées par des rubans mordorés. Il considéra Nicolas avec circonspection. Celui-ci ne voulut pas exciper de sa fonction et lui demanda si M. de La Borde était présent. Cette requête, renforcée par l’élégance de sa tenue, parut constituer un sésame suffisant et l’homme le laissa entrer. Le

Weitere Kostenlose Bücher