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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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boutique à l’enseigne des Deux Castors fut bientôt en vue. La cuisinière vint lui ouvrir et, sans doute privée d’interlocuteurs depuis l’aube, donna libre cours à son bavardage.
    Il n’était pas aisé, expliquait-elle, de garder une petite fille aussi avancée pour son âge, qui ne répondait pas aux questions posées, mais en décochait elle-même de bien fâcheuses. Son attitude lui rappelait ses tantes au même âge. Certes, Camille et Charlotte n’étaient pas aussi malignes et l’une d’entre elles avait mis des années à savoir faire un nœud, encore n’y parvenait-elle qu’en le nouant à l’envers, travers qu’elle avait conservé depuis lors. Nicolas la laissait parler sans marquer d’impatience. Il l’interrompit seulement quand elle affirma avoir dû, au petit matin, et devant l’impossibilité dans laquelle se trouvait l’enfant de s’endormir après cette nuit terrible dont elle conservait une sorte d’horreur, lui servir un peu de lait sucré avec une bonne cuillerée d’eau de fleur d’oranger. C’était un remède souverain pour calmer les angoisses et faire dormir, dont usaient d’ailleurs ses tantes qui se fournissaient chez un apothicaire du voisinage. Il lui demanda à voir le flacon. Il était en tous points identique à celui retrouvé chez le fripier. Toutefois, comme il n’y avait pas d’étiquette, rien ne permettait de le différencier d’un flacon issu d’une autre provenance. Il demanda laquelle des deux sœurs était accoutumée à cette médication. Marie Chaffoureau lui assura qu’il s’agissait de Camille, la cadette. Il nota le fait dans son petit carnet, ayant observé que la mémoire pouvait faillir sur des détails d’apparence aussi minime. Nicolas remercia la cuisinière et lui demanda d’être présente au Grand Châtelet, le lendemain. Il la sentit bouleversée. Elle s’inquiétait de laisser Geneviève seule au logis. Ce n’était guère un problème, et il estima, tout bien réfléchi, que la présence de l’enfant pouvait également être utile. Il promit d’envoyer une voiture et remercia encore la cuisinière pour son omelette de la veille.
    Les indications recueillies lui permirent de trouver sans difficulté la boutique de l’apothicaire qui bénéficiait de la pratique de la famille Galaine. Elle se trouvait à quelques pas de là, à l’angle de la rue de la Sourdière et de la rue Saint-Honoré. La porte poussée déclencha un timbre lointain. La boutique lui apparut immense. Au centre, trônait un comptoir monumental de bois sculpté. Des étagères grimpaient à l’assaut des murs jusqu’au plafond, supportant des rangées de récipients divers parmi lesquels dominaient les pots de faïence richement décorés et pourvus d’inscriptions en latin. Il admira également des vases en ivoire, marbre, jaspe, albâtre et verre coloré. Après de longues minutes, un petit homme dans la cinquantaine surgit, vêtu de serge de soie noire et portant une perruque grise poudrée. Sous de gros sourcils passés au noir, de petits yeux bleus le fixaient, sans expression.
    — Monsieur désire ? Pardonnez cette attente, je surveillais un commis qui dorait les pilules 89 . C’est là une opération délicate qui requiert toute mon attention.
    — Il n’y a pas offense. Nicolas Le Floch. Je suis commissaire de police au Châtelet et souhaiterais obtenir de votre obligeance quelques lumières utiles à une enquête que je poursuis.
    L’œil de son interlocuteur s’alluma.
    — Clerambourg, maître apothicaire pour vous servir. Il m’est revenu qu’il y aurait des désordres chez un de mes voisins, maître marchand pelletier…
    Il exprima cette hypothèse sur le ton d’une constatation regrettable.
    — Mais vous n’êtes pas en robe ? observa l’apothicaire.
    — Que non, vous n’êtes pas suspect. Il s’agit d’une conversation amicale. Je voudrais vérifier un détail.
    — Lequel, monsieur ?
    Nicolas sortit le flacon de sa poche et le tendit à l’apothicaire qui le saisit avec deux doigts, comme s’il s’était agi d’une bête venimeuse.
    — Et alors, monsieur le commissaire ?
    — Et alors, ce flacon provient-il de votre officine ?
    — Je suppose qu’on vous l’a affirmé.
    Nicolas ne répondit pas. L’apothicaire retourna l’objet.
    — Je crois que oui.
    — Pouvez-vous être plus précis ?
    — Rien de plus aisé ! Il s’agit d’un exemplaire d’une série de flacons qui sont

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