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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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plus difficile ! J’ai décidé de passer la main, tout en restant dans la maison pour veiller à mon grain.
    — Et quel est l’oiseau rare qui vous succédera ? demanda Nicolas d’un ton sévère. Rappelez-vous que nous avons notre avis sur la chose.
    — Il m’aurait manqué qu’il ne fasse le méchant comme naguère ! Mais, monsieur le commissaire, je suis bien certaine que mon choix vous comblera. D’ailleurs, elle sera mon héritière et ouvrira mes tiroirs, si elle me satisfait et prend soin de ma vieillesse. Elle aussi, les peines ne lui ont pas manqué ; ce n’est pas une caillette, elle a du plomb en tête. Dieu merci, à brebis tondue, le vent est mesuré. Je crains juste un peu son bon cœur, mais personne n’est parfait et elle s’endurcira. Quant à moi, si tout ce qui est combinable me satisfait, je me retirerai dans ma campagne d’Auteuil, car il faut savoir partir. Mélanger mon expérience et la nouveauté ne serait pas du meilleur tonneau. Touillez ensemble du vin de Suresnes et du Bourgogne et je vous garantis une exécrable ripopée 34 .
    — Allez-vous me dire le nom de votre trouvaille ?
    — Elle est derrière toi, fit une voix douce près de Nicolas.
    Il reconnut aussitôt le timbre de ce murmure modeste qu’il n’avait jamais oublié. Combien de fois l’avait-il entendu chuchoter des mots éperdus à son oreille ? Le souvenir de la Satin 35 n’avait pas quitté sa mémoire ; il en conservait précieusement la nostalgie. Leur liaison s’était prolongée, avait duré longtemps mais ses fonctions et le malaise, pour ne pas dire la crainte, que lui inspirait la vie de son amie, l’en avaient, au bout du compte, éloigné. Il se retourna. Mon Dieu, qu’elle était belle ! Bien plus encore que dans sa mémoire. Son visage reposé, comme apaisé, se tournait vers lui avec tendresse. Sa chevelure ramassée en boucles soyeuses dégageait le cou et les épaules qu’il avait naguère dévorés de baisers si ardents qu’elle se plaignait des marques qui s’imprimaient dans sa chair. Sa poitrine offerte était ramassée par le haut d’un corsage en dentelle d’Alençon. Une robe à flots de soie bleu pigeon alanguissait une silhouette où il retrouvait le charme d’antan comme épuré. Elle avança vers lui, le prit par le cou. Il frémit lorsque leurs lèvres se joignirent.
    — Eh bien, mes colombes, dit la Paulet, ne voilà-t-y pas de gentilles retrouvailles !
    Elle frappa dans ses mains. La servante africaine apparut en esquissant un pas de danse et tira les rideaux d’une des alcôves. Une table était dressée, et dans un rafraîchissoir de porcelaine vert amande, des bouteilles de vin de Champagne attendaient. Près de la table, un lit à couronne présageait d’autres gourmandises.
    — Mes enfants, reprit la Paulet, je vous laisse et monte soigner mes jambes. Vous avez sans doute beaucoup à vous raconter ! Le service sera bref, mais raffiné. Les friands et les gourmands, comme le dit un duc de mes connaissances 36 ne sont pas les fins gourmets, et rien n’est si funeste au talent d’un cuisinier que la sotte recherche ou la goinfrerie de son maître.
    — C’est la sagesse de Comus !
    — Pour commencer, du melon nouveau de mon jardin d’Auteuil. Mais pas une de ces choses infâmes, flapies, aux flancs mollassons, de ces pochetées fiévreuses que ton Sartine interdit par placards chaque année. Un de ces miels orangés, juteux et savoureux à souhait. Et puis, oh ! un plat de roi que mon cuisinier parfait à ravir. Cette poularde à l’angoumoise dont vous vous sucerez les lèvres…
    Elle eut un rire salace
    — J’aimerais connaître le traitement de cette volaille-là ? demanda Nicolas.
    — Je le reconnais bien là ! Tu devras te procurer une belle poularde de haute course, élevée avec amour au grain. Toutes les parties charnues, tu les piqueras d’écailles de truffe, sans barguigner. À la main, tu empliras le corps de truffes coupées que tu auras passées à la poêle avec du lard râpé et des épices.
    — Et, pfutt, en cocotte ?
    — Pas de ça, mon poulet, comme en amour les approches sont essentielles. Cette poularde-là, tu l’enveloppes de papier pour que truffes et épices s’épousent étroitement. Trois jours après, tu ôtes le papier et tu emmaillotes la donzelle ameublie dans des rouelles de veau et des bardes de lard. Alors, et alors seulement, tu la couches, comme une bien-aimée, dans une braisière juste

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