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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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J’avais fait serment de la protéger, j’ai échoué.
    Cet homme avait le don de biaiser ses réponses.
    — Comment vous considérait-elle ?
    — Comme… comme un frère.
    Bourdeau et Nicolas avaient levé la tête, sensibles à cette hésitation, une sorte de bégaiement, étrange de la part d’un homme qui ne les avait pas habitués à manifester d’émotion. Le cœur de Nicolas se serra ; le souvenir aigre-doux d’Isabelle de Ranreuil, sa demi-sœur, se rappelait à lui avec douleur.
    — Comprenez bien que, tout suspect que vous soyez, vous avez droit à notre protection. En contrepartie, nous espérons et attendons de vous une entière franchise. Si vous savez quelque chose, si vous soupçonnez quelque chose, il faut nous en faire part.
    Naganda regardait Nicolas. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Il baissa les yeux.
    — Libre à vous de demeurer coi, mais réfléchissez à mes propos. Vous voilà seul, en position de suspect. On va vous reconduire rue Saint-Honoré, où vous demeurerez à la disposition de la Justice.
    Bourdeau appela un exempt, que l’homme suivit après s’être incliné. Nicolas demeura un moment silencieux.
    — Je ne crois pas qu’il mente, mais il cache l’essentiel, dit-il enfin.
    — Pourquoi le renvoyez-vous ? demanda Bourdeau ?
    — Mon ami le père Grégoire m’a jadis expliqué la curieuse propriété de certaines substances mises en présence les unes avec les autres. Les réactions sont des plus étonnantes. Je n’écarte pas un phénomène de ce genre rue Saint-Honoré. Ceux-là voudraient le voir à cent lieues. Eh bien, nous l’allons jeter dans leurs jambes et attendre benoîtement les résultats !
    — Que vous en semble de ce conte de sommeil prolongé ?
    — Qu’il y a quelque chose de nature trouble et peu crédible que nous allons devoir éclaircir. Vous avez comme moi, je pense, noté au passage les éléments contradictoires avec les autres témoignages. Il conviendra d’approfondir tout cela. Dans l’immédiat et sur l’autre affaire qui nous intéresse, il faut rassembler d’urgence les éléments du rapport demandé par M. de Sartine.
    — Nous savons déjà que l’impéritie des gardes de la Ville a laissé la fête abandonnée sans bergers.
    — Il faut identifier les responsables et dresser le bilan de tout cela. Le lieutenant général sera reçu dimanche soir, comme à l’accoutumée, par Sa Majesté. Prenez un de nos hommes. Qu’il recueille les informations. Il faut une note adressée aux vingt commissaires de quartier. Il faut consulter les médecins, les apothicaires, les rebouteux, les fabricants de cercueils, les registres des paroisses pour le nombre des convois, les fossoyeurs des églises et des cimetières. Enquêtez, faites interroger. Ne ménagez point les mouches. Que tout cela soit enregistré et me soit communiqué au plus vite.
    — En effet, en effet. Et qu’il m’en soit rendu compte au plus vite !
    Une voix sèche retentit dans le bureau de permanence. Les deux compères se retournèrent et découvrirent M. de Sartine revêtu de sa robe noire de magistrat à rabats blancs, la tête ornée d’une perruque à la grenadière, relevée des deux côtés de la queue. Le lieutenant général de police les toisait d’un air gourmé. Nicolas imagina l’effet de cette apparition sur le vulgum pecus à l’aune de sa propre stupéfaction. Tout suave que fût le ton, il savait d’expérience qu’il pouvait dissimuler une âcreté que la réputation d’aménité du puissant personnage ne laissait guère deviner chez ceux qui le connaissaient mal.
    — N’avais-je pas bien prévu les choses ? jeta Sartine. N’étaient-elles pas de cristal dans mon esprit ? N’allais-je pas rassotant 41 que vos petites manies engendreraient au moindre, comme à l’accoutumée, du chamaillis et de l’esclandre ? Qu’à trop vouloir décrampiller des écheveaux que vous-même aviez mélangés, vous nous conduiriez à quia ?
    — Que me vaut, monsieur, cette volée de bois vert ?
    — Et de surcroît, il feint l’ignorance ! Sachez, monsieur Le Floch, que je sors de ce pas du cabinet du lieutenant criminel. Qu’il vient de m’agonir d’un cours de procédure que j’ai dû subir dents serrées. Qu’il ne m’a pas ménagé son amphigouri 42 . Il a lourdement pâturé mes plates-bandes de peur que je ne l’entende point.
    — Monsieur…
    — Taisez-vous ! Habitué que vous êtes — et

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