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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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je ne suis que trop coupable d’avoir toléré cela, et même d’y avoir prêté la main — à des opérations extraordinaires en marge du formel, à des initiatives personnelles et aventurées, vous vous êtes jeté à corps perdu sans rime ni raison dans une enquête criminelle. Ah ! oui vraiment, que n’ai-je entendu : recel de cadavre, usurpation de procédure, ouverture inique d’un corps enlevé par des galefratiers 43 sans commission, initiative personnelle, menaces sur des bourgeois. Et tout cela pour servir de paravent à une enquête essentielle que je vous avais confiée ! Qu’avez-vous à répondre à cela ?
    — Qu’il n’y a rien là qui puisse vous émouvoir, monsieur, et qu’assuré de votre bon droit et de la légitimité de l’action de vos mandataires, vous les avez, comme d’habitude, dûment défendus, opposant vos assurances contre les attaques de M. le lieutenant criminel. Au reste, je crois M. Testard du Lys trop honnête homme pour avoir longtemps résisté à votre benoîte et précise insistance.
    M. de Sartine tendait la jambe et admirait la pointe de son soulier dont la boucle d’argent étincelait.
    — Ah ! vraiment ? Ma benoîte et précise insistance ? Je suis fort aise du satisfecit que mes subordonnés me concèdent. Soit, ils bénéficieront de mon indulgence pour leur perspicacité. Avez-vous au moins avancé ? Point de discours, des faits, je vous écoute.
    — Monsieur, le meurtre de la jeune femme est avéré, et un infanticide est probable. Les circonstances familiales sont extraordinaires et n’interdisent aucune hypothèse. Il serait fâcheux qu’une affaire engagée échappât à votre regard et que des mains maladroites et neuves ne viennent à gâter un début d’enquête prometteur.
    — Qu’elle promette, et vite ! Et notre autre sujet d’intérêt ?
    — J’avance, monsieur, et tout recoupe déjà ce que nous pressentions.
    — Pressentez, pressentez. Je veux un rapport circonstancié demain soir à mon hôtel. J’irai coucher à Versailles où je verrai le roi dans ses petits appartements à l’issue de la messe. Vous m’accompagnerez, Nicolas. Sa Majesté est toujours heureuse de voir le petit Ranreuil 44 .
    Le lieutenant général de police assura sa perruque, virevolta et sortit avec sa dignité habituelle du bureau de permanence.
    — Hon ! fit Nicolas. Je cours chez le lieutenant criminel, et ensuite je verrai mon tailleur.

V
    AFFAIRES D’ÉTAT
    L’artifice se dément toujours et ne produit pas longtemps les mêmes effets que la vérité.
    Louis XIV

    Le cabinet du lieutenant criminel se trouvait dans une autre partie du Grand Châtelet. Nicolas fut aussitôt introduit ; d’évidence, on l’attendait. Un petit homme à perruque grise et au visage chafouin le reçut sans excès de politesse et lui assena un cours de procédure agrémenté d’une variante de jugements aigres-doux sur l’outrecuidance de certains subalternes de la basse police. Cette algarade fut reçue avec froideur, patience et humilité, ce que voyant le magistrat s’adoucit jusqu’à complimenter le commissaire de sa bonne réputation, parvenue jusqu’aux portes du haut lieu de justice où il régnait. Il convint peu à peu que, dans la précipitation d’une enquête, l’urgence ne laissait pas de l’emporter parfois sur le respect absolu des formes légales. Aussi, conclut-il, eu égard aux bonnes relations tissées avec M. de Sartine et dans l’assurance que M. Le Floch ne se livrait à aucune menée hostile à son ministère, il consentait, pour cette fois, à passer sur les impairs constatés et autorisait, à titre exceptionnel, la poursuite de la procédure et des interrogatoires. Désormais, il en était persuadé, le commissaire observerait la prudence nécessaire, le partage de l’information et la révérence obligée que tout pouvoir, toute puissance, toute… Nicolas interrompit l’exorde qui s’amplifiait par une humble révérence et s’enfuit à reculons en maîtrisant à peine un fou rire éclatant. Il dévala de sombres escaliers pour rejoindre la voûte où il se fit appeler une chaise par le gagne-denier de service.
    L’été approchait et le beau temps revenu allégeait les pensées toujours en mouvement du policier. Un étal au coin d’une rue lui fit envie : une pyramide de cerises claires à chair jaune s’offrait à la gourmandise des chalands. Une commère lui en servit un quarteron dégusté aussitôt

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