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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Camille et Charlotte d’abord, l’air offensé, puis Jean Galaine, le regard perdu. Charles Galaine salua le commissaire, le pria d’excuser ses sœurs ; la cuisinière lui indiquerait sa chambre. Mme Galaine échangea quelques mots avec le commis et disparut sans un regard ni un mot au commissaire. Le commis ne dormant pas à la maison, mais dans un garni voisin, allait se retirer quand Nicolas le retint.
    — Monsieur, je souhaite avoir un entretien avec vous.
    La bouche se fronça en une vilaine moue.
    — Demain si vous le voulez, monsieur. Ce soir je suis attendu.
    Nicolas le prit fermement par le bras, ouvrit la porte donnant sur la boutique et l’entraîna à sa suite.
    — Il y a le temps : nous en étions au début du repas. Vous paraissiez fort disert sur les loges du nouvel Opéra. Oh ! je suis de votre avis, la salle a essuyé beaucoup de critiques. Orchestre sourd, voix affaiblies, décorations mesquines, mal coloriées et peu proportionnées aux dimensions du théâtre. Et ces fameuses loges. Ah !… ces loges !
    Nicolas ponctuait ses propos de bourrades de plus en plus fortes qui finirent par faire tomber le jeune homme sur une chaise de la boutique.
    — Les premières sont peu élevées, reprit Nicolas, Et, notons-le, peu avantageuses pour les femmes. Quant au vestibule. Ah ! le vestibule : tout à fait indigne de la majesté du lieu. Vous ne trouvez pas ? Avec ses escaliers roides et étroits. Aucun espace. Au fait, contez-moi donc par le menu votre emploi du temps du 30 au 31 mai, plus précisément du 30 à seize heures au 31 à six heures du matin. C’est tout simple. Ne regimbez pas. Plus vite nous en aurons fini, plus vite vous serez autorisé à nous abandonner.
    — Qu’en sais-je, monsieur, et que vous importe ?
    — Il m’importe beaucoup. Allons, je vous écoute, ou devrais-je vous conduire au Grand Châtelet ? Puis-je vous aider ? Dites-moi simplement à quelle heure vous avez quitté votre travail le 30 mai, jour de la fête place Louis XV ?
    — À six heures, cela je puis bien vous le dire.
    — Dois-je comprendre que vous me dissimulez d’autres choses ?
    Il n’obtint qu’une moue pour toute réponse.
    — Était-ce là l’heure habituelle ?
    — Non pas. Mais M. Galaine m’avait autorisé à quitter plus tôt la boutique pour pouvoir assister à la fête.
    — Et alors ?
    — Alors, j’ai quitté la boutique pour me mêler à la foule.
    — Que s’est-il passé ?
    — Rien, la presse était si grande que je me suis éloigné de la place pour rejoindre les boulevards par les Feuillants.
    — Donc avant la catastrophe ?
    — Sans doute, je ne sais.
    Le commis paraissait soudain hésitant.
    — Naturellement, reprit Nicolas, vous auriez pu gagner les Tuileries par le pont-tournant, qui était ouvert.
    Le piège était grossier, mais l’enjeu valait le risque.
    — Oui, je crois, en effet que j’ai emprunté le pont- tournant pour ressortir aux Feuillants.
    — Et ensuite ? poursuivit Nicolas avec suavité. Vous avez bénéficié des distributions de victuailles offertes par notre bon prévôt ?
    — Certes, mais il était difficile d’approcher.
    — On m’a rapporté que le vin se goûtait fort, gouleyant à souhait. M. Bignon ne s’est pas moqué des Parisiens !
    Ces détails matériels et la conversation qui dérivait autour conduisaient à faire baisser les armes du commis. Nicolas décida de pousser une pointe.
    — Et là, vous êtes parti à votre rendez-vous ? N’est-ce pas ?
    Le visage du blondin s’empourpra.
    — Je n’en dirai pas davantage.
    Il hésita.
    — Il va de l’honneur d’une dame.
    — Ah ! certes, dit Nicolas, l’honneur des femmes a bon dos quand un homme peut se réfugier derrière…
    Il choisit de jouer la provocation.
    — L’attitude est d’autant plus facile que personne ne s’est trouvé là à l’heure dite.
    Dorsacq le regarda, l’air égaré. Il fit demi-tour, claqua la porte et sortit de la boutique. Nicolas renonça à le rattraper. Leur entretien lui avait permis de désarçonner un adversaire au demeurant peu habile et sans défense. Mais il savait que cette apparence pouvait n’être qu’un leurre. Des deux jeunes hommes de la maison, celui-ci mentait avec effronterie et le fils Galaine continuait à envelopper de flou son emploi du temps, la nuit du drame. Quant à Naganda… Nicolas regagna la salle à manger où la vieille cuisinière débarrassait la

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