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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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faisait grande chère, distribuant de part et d’autre compliments et souhaits. Un notaire, ami de M. de Sartine, l’ayant remarqué pour la quatrième fois, signala le fait. Nicolas l’accompagna lors d’un grand mariage à Saint-Roch. « L’habit noir » fut repéré et le notaire s’avisa de lui demander « de quel côté il était ». « Du côté de la porte », répondit l’homme en prenant la poudre d’escampette. Le commissaire l’intercepta. Sévèrement tancé, il dut promettre de s’amender et finit par devenir mouche au service de la police. Sa mine distinguée et son usage du monde firent merveille, en particulier au bal de l’Opéra.

    Chez les Galaine, Nicolas trouva porte close. Deux gardes-françaises montaient la garde en somnolant. Sept heures était un moment décent pour souper en famille chez un bourgeois de Paris. Il dut heurter le marteau de la porte cochère. Après quelques instants, il entendit un pas traînant, et une vieille servante apparut en tablier. Elle redressait la tête comme les tortues du jardin du roi. Des mèches de cheveux jaunasses s’échappaient de sa coiffe. Des rides profondes qu’encrassaient les ombres de la vieillesse sculptaient un visage affaissé aux yeux pâles. La poitrine tombait en débordant sur l’enflure du ventre. Aux taches qui souillaient le tablier, Nicolas supposa qu’il se trouvait devant Marie Chaffoureau, la cuisinière du logis. Miette n’était sans doute pas assez rétablie pour venir ouvrir aux visiteurs.
    — Que nous veut-on à c’t’heure ? Si c’est la charité on a déjà donné et il n’y a plus de regrat dans cette maison, hélas !
    Il nota la remarque.
    — Pouvez-vous avertir votre maître que le commissaire Le Floch souhaite l’entretenir ?
    Le vieux visage se chiffonna en une manière de sourire.
    — Fallait le dire primement, mon bon monsieur ! Donnez-vous la peine d’entrer. Je vas prévenir not’maître.
    Ils pénétrèrent dans une cour contiguë et parallèle au bâtiment principal. Elle avait connu de meilleurs jours ; l’herbe poussait entre les pavés inégaux. De vieilles caisses moisies finissaient de pourrir. La cuisinière surprit son regard.
    — Ça n’est plus comme avant. Je veux dire, du temps du père de Monsieur. Alors, on avait un équipage, et tant et tant…
    Marie Chaffoureau se dirigea vers une porte ouverte qui donnait dans un petit couloir et lui désigna le bureau où s’était tenue la première rencontre avec le marchand pelletier. Elle disparut en marmonnant quelques mots incompréhensibles. L’attente ne fut pas longue, agrémentée par le murmure sourd et les éclats d’une querelle proche. Il y eut un claquement de porte ; et Charles Galaine, entra dans la pièce. Il avait l’air de fort méchante humeur.
    — Non seulement, monsieur le commissaire, vous ne respectez pas notre deuil, mais vous vous présentez à une heure où toute famille honorable est rassemblée pour…
    — Vous prêchez un convaincu, monsieur. Mais si je suis ici ce n’est ni sur ordre de la police ni sur décision de justice…
    — Mais alors…
    — Je suis ici par ordre personnel du roi pour y poursuivre mon enquête et pour faire rapport à Sa Majesté…
    Nicolas ne croyait pas outrepasser ses instructions en liant son enquête criminelle aux événements de la nuit dernière.
    — Le roi ! murmura Galaine éberlué. Mais comment le roi connaîtrait-il… Et puis, ce n’était rien qu’une crise de nerfs.
    — Le roi sait tout ce qui s’est passé cette nuit dans cette maison. Cela, et aussi le scandale et le tumulte que la folie de votre servante a suscités. Sachez qu’il est hors de question d’autoriser dans la capitale de tels désordres, sources d’émotions et d’agitations chez un peuple toujours prompt à s’enflammer pour des prétextes ou de mauvaises causes. Et était-ce pour rien que vous et les vôtres étiez tombés en prières ?
    — Monsieur, que prétendez-vous faire ?
    — Toujours selon mes ordres, vous demander l’hospitalité quelques jours.
    Galaine fit un mouvement.
    — Oh ! rassurez-vous, il est hors de question que vous me nourrissiez gratis. Je paierai ma pension. Croyez-vous le roi si pauvre qu’il ne puisse défrayer ses serviteurs ? Vous voulez en parler, allons-y. Un bon hôtel, c’est quatre à cinq livres par jour.
    — Je ne dispose que d’un méchant réduit où nos pauvres servantes installent une

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