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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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s’inclinèrent. Le roi, avec un geste charmant, les salua et disparut vers ses appartements. M. de la Borde les reconduisit jusqu’à l’escalier des Ambassadeurs, un étage plus bas. Le soleil de la cour d’honneur les éblouit. Nicolas ouvrit la bouche, mais Sartine prévint sa question.
    — Je sais ce que vous m’allez dire, Nicolas. Merci d’avoir voulu me tirer de ce mauvais pas. Mais le roi était si content de m’apprendre quelque chose, ou de le croire, que je n’ai pas voulu gâcher son plaisir.
    Sur cette leçon de courtisan et de serviteur fidèle, Sartine, rayonnant, quitta Nicolas afin d’aller conter à son compère Saint-Florentin que sa disgrâce n’était pas pour demain.

VI
    HANTISES
    Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
    Boileau

    Rattrapé par M. de la Borde qui souhaitait l’inviter à souper, Nicolas apprit que le roi n’avait pas tari d’éloges sur ses visiteurs, tant sur Sartine que sur « le petit Ranreuil » qui « chassait de race dans tous les domaines, en bon serviteur », selon ses propres mots. Il déclina l’invitation et informa son ami de la tournure des événements et des ordres reçus. Il demanda de l’aide afin de rejoindre la capitale au plus vite. Le premier valet de chambre l’entraîna aussitôt vers la place d’armes et, de là, vers la grande écurie où, après quelques conciliabules, un cheval gris pommelé leur fut présenté. Il serait confié à l’hôtel de police et un coursier le ramènerait à Versailles.
    Midi approchait. En voiture, deux heures bien comptées s’avéraient raisonnables pour gagner Paris. À franc étrier et avec une bonne monture, la durée du trajet pouvait être réduite. Le hongre se mit de lui-même au trot allongé. Nicolas rêva à la scène qu’il venait de vivre. Les rencontres avec le roi le laissaient toujours ému. L’anecdote de la porte enfoncée de la grande galerie offrait un apologue transparent des regrets d’une autre décision arrachée dont le souverain mesurait l’imprudence. L’exprimer ouvertement n’appartenait pas à ses habitudes, mais l’essentiel suggéré dissipait les doutes à ce sujet. Le roi n’était pas dupe, sauf à vouloir l’être. Il apprenait beaucoup de choses par ses propres canaux, et ces informations affermissaient un jugement équilibré. Cette constatation emplissait Nicolas de joie et renforçait sa fidélité au profil de la monnaie d’or de son enfance. Le roi pouvait descendre de son piédestal sans apparaître en rien diminué, bien au contraire. Il supposa que les événements de la rue Saint-Honoré n’avaient pu être portés à la connaissance de Louis XV que par un de ses proches. L’Opéra n’était pas loin, presque en face de la boutique des Galaine, et il y avait justement bal ce soir-là. Perdu dans ses pensées, il faillit renverser une petite fille qui, au bord du chemin, lui offrait des bouquets de fleurs sauvages cueillis dans les bois environnants. C’est le cheval qui sauva l’enfant en se cabrant après un écart qui manqua désarçonner Nicolas, pourtant bon cavalier. Pour se faire pardonner et calmer l’enfant effrayée, il lui acheta dix fois trop cher toute sa récolte, et c’est chargé de fleurs qu’il franchit, peu avant deux heures, la porte de la Conférence et entra dans Paris.
    Rue Montmartre, Marion et Catherine ébahies, couvertes de leur moisson, M. de Noblecourt, mis au fait de la situation, la maisonnée fut dûment avertie de ne se point inquiéter, l’absence de Nicolas ne devant durer que quelques jours au plus. Il rassembla dans un portemanteau quelques rechanges et objets de toilette, un falot et un pistolet miniatures, chefs-d’œuvre de précision offerts jadis par Bourdeau. Puis il conduisit son cheval rue Neuve-Saint-Augustin, et, à pied, il emprunta la rue d’Antin et la rue Neuve-Saint-Roch pour gagner la rue Saint-Honoré.
    Le sanctuaire lui remémora une enquête récente sur une situation intrigante, mais de peu d’importance. Un quidam avait trouvé un singulier expédient pour être de noce tous les jours de sa vie. Une bonne mine, un visage avenant et un habit noir de cérémonie lui permettaient d’être assidu aux mariages dans les grandes paroisses où il se mêlait à la foule. À l’issue de la messe, il suivait les invités chez le traiteur. Les invités des deux familles se rencontrant souvent pour la première fois, il passait inaperçu. Dans ce rôle équivoque, il

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