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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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d'argent,
je les rapporterais en Espagne avec moi. Mais depuis que j'ai perdu mes terres
au jeu, j'en suis réduit à gagner ma vie. Et, à propos d'argent, senor, on peut dire que vous êtes un rude marchandeur. Et même pas dans votre langue
maternelle.
    — Je vous remercie. Mais avec un accent portugais.
    — Peut-être, fit don Pedro en souriant. Et votre
patois écossais est parfait.
    — Vous autres Espagnols, vous êtes incorrigibles,
fit George. Vendre deux fois la même marchandise! Je crois que je vais retirer
mon offre. »
    Don Pedro éclata de rire. « Ah mais, George, je préfère
votre offre à celle de votre ami.
    — Alors, demanda George, comment allons-nous régler
cela ?
    — Il n'y a qu'une façon équitable, dit Phaulkon.
Nous allons les payer vingt-sept souverains et demi.
    — Ah, mon ami, je vois que vous êtes le digne
successeur du célèbre George White. C'est exactement ce qu'il a dit. Monsieur,
je suis honoré de faire votre connaissance. » Il serra chaleureusement la main
de Phaulkon. « Maintenant, senores, il y a une histoire attachée à ces
canons et j'estime de mon devoir de vous la conter. Voyez-vous, il y a bien des
années, en Espagne, une gitane, en me lisant les lignes de la main, m'a dit
qu'un jour je vendrais des armes de guerre à deux étrangers dans un pays lointain.
C'était une prophétie étrange et peu vraisemblable pour un noble Espagnol qui
n'avait encore jamais quitté son pays. Mais, reprit don Pedro, détail
intéressant : elle a affirmé que ce n'était pas moi qui ferais fortune avec
cette vente, mais eux.
    — Je bois à cette prophétie », dit George. Il
remplit trois verres et leva le sien. « Au Faucon du Siam », déclara-t-il.
    2
    Golfe du Siam, 1679
    Ce fut l'éclat soudain de l'acier qui le sauva, un rayon
de soleil qui se reflétait sur la lame : il le perçut à travers ses paupières
closes et s'éveilla aussitôt. Un instant, il vit la pointe du poignard malais
incurvé briller derrière le mât de teck : une seconde plus tard, son assaillant
plongeait sur lui.
    Phaulkon s'attendait à une mutinerie générale, mais pas à
cette attaque isolée : il sommeillait sur le pont, adossé au second mât, les
jambes écartées. D'instinct, il roula sur la gauche au moment précis où le
Malais filait devant lui comme un javelot et où son kriss venait s'enfoncer
dans le mât, juste à l'endroit où une fraction de seconde plus tôt le Grec
appuyait sa tête. Phaulkon se releva précipitamment et pivota pour faire face à
son adversaire. À trente ans, Constantin Phaulkon, capitaine du Royal Lotus, jonque siamoise de cent vingt tonneaux, dépassait d'au moins une tête le
matelot malais qui faisait des efforts désespérés pour arracher son kriss du
mât dans lequel il était planté. Il poussa un cri de fureur, renonça et se
retourna vivement vers Phaulkon.
    Un moment, les deux hommes s'affrontèrent, désarmés, chacun
jaugeant son adversaire. Ils étaient seuls sur le pont. Autour d'eux, une mer
d'huile et, au loin, dans la brume du matin, le contour montagneux du rivage.
    Les deux hommes étaient torse nu. Phaulkon portait le
large pantalon noir des Chinois tandis que Fai-çal, le Malais, n'était vêtu que
d'un pagne. Dans les premières et incertaines lueurs de l'aube on aurait pu les
croire parents, tant leurs cheveux noir de jais et leur teint brun se
ressemblaient : l'un de par sa naissance et l'autre après des années passées en
mer. Puis le soleil émergea de derrière un nuage et l'illusion se dissipa : un
rayon vint souligner les pommettes hautes et le nez court du Malais qui
offraient un saisissant contraste avec les traits résolument méditerranéens du
Grec.
    Ils s'observaient dans l'espace dégagé entre les mâts.
Phaulkon envisagea d'appeler à l'aide ses collègues, les deux Anglais qui se
trouvaient dans l'entrepont, mais il se ravisa. Et si les autres Malais
s'éveillaient les premiers? Il y en avait trois là-bas et ils se retrouveraient
trois Européens contre quatre Orientaux. Il lui sembla soudain bizarre que
Faiçal lui-même n'eût pas appelé les autres à la rescousse.
    « Je suis surpris de te voir agir seul, sale bâtard,
lança Phaulkon dans un malais parfait.
    — Et pourquoi donc, mangeur de porc ? Je n'ai pas
besoin d'aide pour répandre ton sang d'infidèle, fit Faiçal en crachant de
côté.
    — Avant la fin de la journée, je te ferai pendre
haut et court.
    — Si tu es encore vivant pour en donner

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