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Le Feu (Journal d'une Escouade)

Le Feu (Journal d'une Escouade)

Titel: Le Feu (Journal d'une Escouade) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Barbusse
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sale.
    – On vous a oubliés, pauvres vieux !
    – Un peu, s'écrie Fouillade, qu'on nous a oubliés ! Quatre jours et quatre nuits dans un trou d'obus sur qui les balles pleuvaient d'travers, et qui, en plus, sentait la merde.
    – Tu parles, dit Volpatte. C'était pas un trou d'écoute ordinaire où qu'on va t'et vient en service régulier. C'était un trou d'obus qui r'ssemblait à un aut' trou d'obus, ni plus ni moins. On nous avait dit jeudi : « Postez-vous là, et tirez sans arrêt », qu'on nous avait dit. Y a bien eu l'lendemain un type de liaison du 5 e Bataillon qu'est v'nu montrer son naz : « Qu'est-ce que vous foutez là ! » « Ben, nous tirons ; on nous a dit d'tirer ; on tire, qu'on a dit. Pisqu'on nous l'a dit, y doit y avoir une raison d'ssous ; nous attendons qu'on nous dise de faire aut'chose que d'tirer. » Le type s'est pisté ; il avait l'air pas rassuré et s'en r'ssentait pas pour la marmitée. « C'est 22 », qu'i disait.
    – On avait, dit Fouillade, à nous deuss, une boule de son et un seau d'vin que nous avait donné la 18 e , en nous installant, et toute une caisse de cartouches, mon vieux. On a brûlé les cartouches et bu le fuchsia. On a conservé par prudence quelques cartouches et un quignon du Saint-Honoré ; mais on n'a pas conservé d'vin.
    – On a z'eu tort, dit Volpatte, vu qu'i fait soif. Dis donc, les gars, vous n'auriez pas rien pour la gorge ?
    – J'ai encore un petit quart d'vin, répondit Farfadet.
    – Donne-z'y, dit Fouillade en désignant Volpatte. Vu que lui a perdu du sang. Moi, j'nai qu'soif.
    Volpatte grelottait et, dans la gangue énorme de chiffons qui était posée sur ses épaules, ses petits yeux bridés s'embrasaient de fièvre.
    – Ça fait bon, dit-il en buvant.
    – Ah ! Et pis aussi, ajouta-t-il tandis qu'il jetait, comme la politesse l'exige, la goutte de vin qui restait au fond du quart de Farfadet, on a poiré deux Boches. I's rampaient dans la plaine, sont tombés dans not' trou, à l'aveugle, comme des taupes dans un piège à mâchoire, ces cons-là. On les a empaquetés. Et puis voilà. Une fois qu'on a eu tiré pendant trente-six heures, on n'avait pus d'munitions. Alors on a rempli d'cartouches les magasins d'nos seringues et on a attendu, d'vant les colis d'Boches. L'type de liaison a oubelié de dire chez lui qu'on était là. Vous, l'sixième, vous avez oubelié de nous réclamer, la 18 e nous a oubeliés aussi, et, comme on n'était pas dans un poste d'écoute fréquenté où la r'lève se fait régulièrement comme à l'administration, j'nous voyais déjà rester là jusqu'au retour du régiment. C'est, finalement, des brascassés du 204 venus pour fouiner dans la plaine à la chasse aux amochés, qui nous ont signalés. Alors, on nous a donné l'ordre de nous replier, immédiatement, qu'on a dit. On s'a harnaché, en rigolant, de c't' « immédiatement »-là. On a déficelé les jambes des Boches, on les a emmenés, remis au 204, et nous v'là.
    « On a même repêché en passant un sergent qui s'tassait dans un trou et qui n'osait pas en sortir, vu qu'il avait été commotionné. On l'a engueulé ; ça l'a remis un peu et i' nous a remerciés : l'sergent Sacerdote i' s'app'lait. »
    – Mais ta blessure, mon vieux frère ?
    – C'est aux oreilles. Une marmite – et un macavvoué, mon vieux – qui a pété comme qui dirait là. Ma tête a passé, j'peux dire, entre les éclats, mais tout juste, rasibus, et les esgourdes ont pris.
    – Si tu voyais ça, dit Fouillade, c'est dégueulasse, ces deux oreilles qui pend. On avait nos deux paquets de pansement et les brancos nous en ont encore balancé z'un. Ça fait trois pansements qu'il a enroulés autour de la bouillotte.
    – Donnez-nous vos affaires, on va rentrer.
    Farfadet et moi nous nous sommes partagé le barda de Volpatte. Fouillade, sombre de soif, travaillé par la sécheresse, grogne et s'entête à garder ses armes et ses paquets. Et nous déambulons lentement. C'est toujours amusant de ne pas marcher dans le rang ; c'est si rare que ça étonne et ça fait du bien. Un souffle de liberté nous égaie bientôt tous les quatre. On va dans la campagne comme pour son plaisir.
    – On est des promeneurs ! dit fièrement Volpatte.
    Quand on arrive au tournant du haut de la côte, il se laisse aller à des idées roses.
    – Mon vieux, c'est la bonne blessure, après tout, j'vas être évacué, y a pas d'erreur.
    Ses yeux clignent et

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