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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pistolets, mousquets, tout un arsenal complet. Ceci est le logis d’un homme de guerre. Cherchez, vous ne trouverez pas un objet religieux : pas le plus petit crucifix, le plus petit bénitier, pas le moindre Christ, la moindre Vierge.
    Mais qu’il soit artiste, savant ou militaire, le maître de ce logis est sûrement un grand seigneur.
    Le voici. Peut-être par lui arriverons-nous à deviner sa situation sociale.
    C’est un tout jeune homme. Guère plus de vingt ans. Un teint pâle, une petite moustache cavalièrement retroussée, un soupçon de barbiche taillée en pointe, un regard froid, singulièrement pénétrant, dur, impérieux. Il se promène de long en large, les mains croisées derrière le dos, le front vaste, redressé. Il y a du félin dans cette démarche souple, ondoyante. Dans cette manière de porter haut la tête, il y a de l’orgueil : l’orgueil immense d’un puissant dominateur. Il porte avec une aisance cavalière, une incomparable élégance, un somptueux costume violet : soie, velours et dentelles d’une inestimable valeur. Suivant une mode toute récente et qui commence à faire fureur, il porte, dans ce salon, des bottes « en cuir mou, tourné à l’envers », avec des éperons d’or qui résonnent sur le parquet luisant. Au côté, une épée. Non pas une épée de parade, mais une bonne et solide lame.
    Beau, assurément, mais avec on ne sait quoi d’inquiétant dans la physionomie qui inspire la crainte plutôt que la sympathie.
    Il s’appelle : Armand du Plessis de Richelieu. Depuis environ dix-huit mois, il est évêque de Luçon. C’est-à-dire qu’il a un peu plus de vingt-trois ans.
    Un serviteur vient prononcer quelques paroles. Une lueur s’allume dans l’œil de Richelieu, aussitôt éteinte. Vivement, avec une sorte de joie qu’il ne prend pas la peine de dissimuler, il ordonne :
    – Faites entrer.
    Et il compose aussitôt son visage et son attitude. C’est un moine, un capucin qui entre et s’incline profondément, humblement, devant l’évêque, en murmurant :
    – Monseigneur !…
    Ce moine, c’est l’ancien soldat François le Clerc du Tremblay qui, voici quelque vingt ans, se signala par sa bravoure au siège d’Amiens qu’il défendit vaillamment contre les Impériaux. C’est l’ancien courtisan qui, sous le nom de baron de Maffliers, passa comme un météore pour aller s’enterrer vivant dans un couvent d’Orléans. Maintenant, le fier et élégant baron s’appelle le père Joseph. Il est provincial de son ordre en Touraine, il est le coadjuteur du prieur des Capucins à Paris… en attendant qu’il devienne prieur à son tour et général de son ordre.
    Tant que le valet qui avait introduit le père Joseph fut présent dans le cabinet, l’attitude des deux hommes ne varia pas : humble et courbée chez le moine ; affable, mais quelque peu hautaine chez le jeune prélat, de tous points l’attitude qui convenait à un supérieur recevant un subordonné.
    Dès que la porte se fut fermée, les deux attitudes changèrent.
    On eût vainement cherché dans Richelieu les airs impérieux, dominateurs, qu’il avait l’instant d’avant quand il se promenait solitaire dans son cabinet. Sa physionomie s’était faite douce, joyeuse, loyale, franchement jeune. Ses manières se firent enveloppantes, insinuantes, avec une nuance de déférence visible. Malgré tout cependant, le félin perçait. Ses gestes caressaient et sous la caresse on sentait la griffe prête à sortir et à déchirer. Ses lèvres souriaient et ses dents blanches donnaient l’impression de crocs puissants, capables de broyer la proie.
    Le moine, lui, n’avait plus cette allure humble et courbée qu’il avait prise devant un témoin. Il s’était redressé. Il ne cherchait pas à dominer. Non. Mais ce n’était plus l’inférieur devant le supérieur. C’était un égal devant son égal. Un gentilhomme en visite chez un autre gentilhomme. Dans ses manières, dans le ton de ses paroles, il y avait un peu de cette assurance bienveillante que donne la supériorité de l’âge et de l’expérience acquise, ou, si l’on préfère, un peu de l’autorité du maître devant son élève.
    Et, à considérer l’attitude de Richelieu, oui, c’est cette impression qui eût dominé : un maître et un élève.
    Lorsque les formules de politesse alors en rigueur eurent été épuisées, lorsque le capucin se fut assis dans le fauteuil que le jeune prélat lui avait

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