Le Fils de Pardaillan
fit Acquaviva avec une ombre de sourire, je me disais bien que ce n’étaient pas là toutes les nouvelles que vous m’apportiez.
– En effet, monseigneur, dit très simplement Parfait Goulard, je vous apporte en outre ceci.
Et il tendit le chiffon de papier que la matrone Colline Colle, après l’avoir volé à sa locataire, s’était laissé si facilement arracher par le moine.
Acquaviva prit le papier et le lut attentivement. Une lueur qui passa comme un éclair dans un œil doux fut le seul signe apparent par quoi se manifesta son émotion.
Très calme, il se tourna vers le père Joseph, témoin muet et impassible de cette scène, et lui tendit le papier en disant :
– J’ai décidé que je n’aurai rien de caché pour vous tant que j’habiterai sous ce toit. Que vous veniez ou non à nous, j’entends reconnaître par une confiance absolue le signalé service que vous me rendez en me permettant de vivre ici, insoupçonné de tous. Tenez, lisez, mon fils. Et voyez s’il est permis de douter que la Providence soit avec nous. Lisez tout haut.
Le père Joseph prit le document et traduisit à haute voix comme on le lui demandait :
« CAPELLA DE SANCTO MARTYRIO
(Située à l’est et au-dessous du gibet des Dames)
« Creuser au bas de la clôture, du côté de Paris. On découvrira une voûte sous laquelle il existe un escalier de trente-sept marches, aboutissant à une cave dans laquelle se dresse un autel. Sur la pierre de cet autel sont gravés douze traits figurant douze marches. Creuser sous la douzième de ces marches, surmontée d’une croix grecque. On mettra à jour un gros bouton de fer. Frapper fortement sur ce bouton. Une ouverture démasquera une fosse. Creuser dans cette fosse jusqu’à ce qu’on trouve une dalle. Sous la dalle, il y a un cercueil. Le trésor est dans le cercueil. »
Quand il eut terminé cette lecture qu’il avait faite lentement, en martelant chaque syllabe, comme s’il avait voulu les faire bien pénétrer dans l’esprit de ses auditeurs, le père Joseph rendit le papier en disant froidement :
– Reste à savoir si ces indications très précises concernent le trésor de la princesse Fausta.
Acquaviva plia soigneusement le papier et, s’adressant à Parfait Goulard :
– Où avez-vous trouvé ce papier ? fit-il.
– Monseigneur, ce papier, contenant des indications que nous cherchions vainement depuis vingt ans, se trouvait entre les mains de cette jeune fille, cette Bertille de Saugis.
– Ah !… je comprends pourquoi vous insistez sur l’utilité de sa disparition.
Le moine s’inclina silencieusement.
– Racontez, dit laconiquement Acquaviva.
Parfait Goulard fit alors le récit de la partie de la confession de Colline Colle ayant trait à la lettre que le comte de Vaubrun avait adressée autrefois à sa fiancée, Blanche de Saugis.
Quand il eut terminé, Acquaviva résuma ses impressions.
– Voici, dit-il, qui est de nature à modifier mes plans. Maintenant que nous savons où prendre le trésor, nous avons intérêt à ce que le sire de Pardaillan ne reconnaisse pas son fils. Cette jeune fille connaît cette histoire dans ses moindres détails. Et la voici en contact avec le père et le fils. Que le hasard réunisse ces trois personnages, que le nom de Saêtta soit prononcé, et il n’en faut pas plus pour que le secret de la naissance de Jehan le Brave soit percé à jour. Il ne faut pas que cela soit. Il faut que la jeune fille disparaisse. Il faut que le jeune homme disparaisse… et qu’on ne le revoie plus jamais. Ecoutez.
Et Acquaviva parla longtemps, donnant ses ordres, attentivement écoutés par ses deux auditeurs.
*
* *
Le soir de ce même jour.
Un cabinet de vastes dimensions, largement éclairé par deux hautes fenêtres. Profusion de meubles précieux, objets d’art, tableaux, tapisseries de haute lice. Cabinet de quelque amateur fastueux et éclairé ?… Cependant, si l’on s’en rapporte à cette bibliothèque qui occupe, à elle seule, tout un panneau, avec ses rayons bourrés jusqu’au plafond de volumes aux reliures d’art, si l’on s’en rapporte à cette immense table de travail surchargée de livres et de paperasses, on serait plutôt tenté de croire que ceci est le retrait de quelque savant. Oui, mais il y a aux murs ces admirables panoplies : armures complètes, merveilleuses collections d’épées signées des plus grands armuriers de Milan et de Tolède, dagues, poignards,
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