Le Fils de Pardaillan
d’une conversation avec un homme de votre valeur, je vous dirais : « Pourquoi vous adresser à moi, si ce que vous avez à révéler intéresse particulièrement la reine ? »
Richelieu s’inclina en signe de remerciement et avec un sourire vaguement mélancolique, mais d’ailleurs sans amertume :
– C’est que, dit-il, cette valeur que votre indulgente bonté veut bien me reconnaître n’apparaît pas aussi flagrante à tout le monde. La reine, madame, est du nombre de ceux qui ne voient en moi qu’un jeune homme… insignifiant.
Il poussa un soupir et avec une gravité qui contrastait singulièrement avec l’éclatante jeunesse de son visage, en fixant sur elle l’éclat d’acier de sa prunelle dilatée :
– A Dieu ne plaise, madame, que j’ose élever la voix contre ma souveraine. Je suis et resterai vis-à-vis d’elle le sujet le plus humble, le plus soumis et le plus dévoué. Je dis profondément dévoué et la démarche que je fais auprès de vous est une preuve éclatante de ce dévouement. Cependant, madame, à vous qui êtes une des plus belles et des plus hautes intelligences que je connaisse, je dis ceci : je ne sais si – comme vous le disiez – je suis ce que l’on est convenu d’appeler un homme de valeur. Mais ce que je sais, et que j’ose vous dire à vous, c’est que je me sens là et là (il portait le doigt à son front et à son cœur) des pensées et des sentiments qui ne sont pas les pensées et les sentiments de tout le monde. Et je souffre de me voir méconnu, dédaigné, tenu à l’écart, parce que j’ai le malheur de n’avoir que vingt-cinq ans.
Léonora écoutait avec une attention soutenue. Elle se demandait où le jeune prélat voulait en venir. Et, en attendant qu’il s’expliquât, elle se tenait sur ses gardes.
Richelieu comprit cette réserve. Il en avait du reste assez dit pour laisser deviner ses ambitions et que sa démarche, si elle était une preuve de dévouement, comme il le disait, n’était cependant pas complètement désintéressée. Insister davantage eût été une manière de marchandage qui répugnait à sa nature de grand seigneur.
Il reprit donc son air souriant, et d’un air détaché :
– Mais, dit-il en riant, vous allez trouver que pour un homme d’Eglise, je ne prêche guère d’exemple en commettant aussi délibérément le péché d’orgueil. Excusez-moi donc, madame. Ce que j’en ai dit était pour vous faire comprendre que, ne pouvant m’adresser directement à la reine, je suis venu droit à vous, connaissant votre constante fidélité et votre inébranlable attachement à Sa Majesté.
– Mais, fit Léonora toujours sur la défensive, il n’y a pas que nous… Dieu merci ! les dévouements aussi sincères que les nôtres ne manquent pas autour de notre gracieuse souveraine.
– C’est vrai, madame, dit gravement Richelieu, d’autres sont peut-être aussi dévoués que vous… mais de ceux-là, il n’en est aucun que j’estime autant que vous.
D’un geste et d’un signe de tête, Léonora manifesta qu’elle s’avouait vaincue.
– Soit donc, fit-elle en riant. Je vous écoute, monsieur. Richelieu se recueillit un instant, et :
– Avez-vous entendu parler de certain trésor enfoui, voici vingt ans et plus, par une princesse étrangère, une Italienne précisément, la princesse Fausta ?
Au mot de trésor, Léonora avait dressé l’oreille. Mais elle ne broncha pas. Elle souriait en écoutant Richelieu ; elle se mit à rire franchement.
– Comment, vous, monsieur de Luçon, vous prêtez créance à de pareilles sornettes ? dit-elle.
– Madame, dit vivement Richelieu, avec une irrésistible assurance, ce trésor existe réellement !… J’en ai la preuve.
– Oh ! condescendit Léonora, mettons qu’il ait existé !… Il doit être loin maintenant.
– Non, madame, dit Richelieu avec la même assurance. Le trésor existe toujours. Il est toujours à la même place où il a été enfoui par sa propriétaire.
– Soit encore. Mais… allez donc chercher un trésor enfoui quelque part… par là… on ne sait où… dans Paris ou ses environs. C’est on ne peut plus simple, comme vous voyez.
– Madame, je sais où est caché ce trésor.
Cette fois, Léonora ne chercha pas à ironiser. Elle fut étonnée et le laissa voir.
– Vous, monsieur ? s’écria-t-elle.
– Moi, madame, dit tranquillement Richelieu. Je possède les indications les plus nettes, les
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