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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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n’est-il pas déchiré de compassion et de douleur à la vue du perpétuel martyre qu’on inflige à notre sainte et douloureuse souveraine ? N’est-ce pas une honte que, dans ce pays, la reine, qui devrait être l’objet de la vénération et de l’adoration de tous, soit réduite à se priver de tout pour que les maîtresses du roi puissent jeter l’or à pleines mains ? Dites, madame, n’est-ce pas une abomination que la reine soit systématiquement écartée des affaires, alors que les maîtresses du roi assistent aux conseils et se mêlent de discuter des affaires de l’Etat ?
    Richelieu se tut un instant, comme si l’indignation l’avait étouffé. Puis, il reprit d’une voix attristée :
    – Pour moi, mon cœur se déchire à la vue d’un si douloureux spectacle. Et c’est pourquoi je dis je ferai pour le roi ce que mon devoir de gentilhomme et de fidèle sujet m’ordonne de faire. Mais rien ne pourra empêcher que mes sympathies, très respectueuses, que mon dévouement absolu n’aillent à la reine délaissée, humiliée et martyrisée.
    – Monsieur de Luçon, dit gravement Léonora, soyez assuré que la reine connaîtra votre dévouement et les sentiments qui vous honorent.
    Comme s’il n’avait pas entendu, Richelieu continua :
    – C’est pourquoi, pouvant disposer à mon gré de ce papier, je l’ai porté non au roi, mais à la reine, pour que ma souveraine ait, à défaut du bonheur qu’il n’est pas en ma puissance de lui donner, au moins le réconfort de la fortune. Maintenant, s’il vous convient de refuser en son nom cette fortune, dites-le, madame, et je vous jure qu’ici même, devant vous, je brûle ce papier… Personne autre que la reine ne bénéficiera de cette fortune. J’en ai décidé ainsi.
    – Non pas, monsieur… Peste, comme vous y allez ! Je ne puis, quant à moi, refuser ce que vous donnez avec une aussi souveraine générosité. Ce papier, je le remettrai moi-même à Sa Majesté. Je lui ferai connaître de qui je le tiens et je lui répéterai les nobles paroles que vous venez de me faire entendre. Il est nécessaire que la reine connaisse les serviteurs au dévouement inébranlable sur lequel elle peut s’appuyer. Soyez, assuré, monsieur l’évêque, que je ferai tout ce qu’il faudra pour dessiller les yeux de Sa Majesté de telle sorte qu’elle voie en vous désormais l’homme de valeur que vous êtes réellement et non pas le jeune homme insignifiant dont vous parliez tout à l’heure. Et avec un sourire entendu :
    – Quant à ce papier, la reine décidera si elle doit l’accepter ou le refuser. Mais je ne crois pas trop m’avancer cependant en disant qu’il y a tout lieu de supposer qu’elle acceptera.
    Richelieu était mécontent. Il s’était attendu à des transports de joie, à une explosion de reconnaissance se traduisant par des offres fermes et précises. Il se heurtait à une femme plus forte encore qu’il n’avait cru et qui semblait lui faire une grâce en daignant accepter une somme prodigieuse. Et, en fait, de promesses, il n’obtenait que des paroles très vagues. Ce n’était pas ce qu’il avait escompté.
    Si maître de lui qu’il fût, malgré lui, il laissa percer une certaine froideur en disant :
    – J’espère que Sa Majesté daignera accepter. En tout cas, je crois, d’ores et déjà, devoir vous donner quelques conseils au sujet des dix millions (il insistait sur le chiffre comme pour bien faire ressortir la valeur considérable du cadeau qu’il faisait) qu’il s’agit de retrouver.
    – Je vous écoute, monsieur, dit Léonora, qui se mit moralement sur la défensive.
    En effet, en elle-même, elle se disait :
    – Attention ! C’est maintenant qu’il va sortir ses prétentions… S’il n’est pas trop exigeant, on pourra s’arranger… La somme en vaut la peine.
    – Vous m’avez fait l’honneur de me demander où je me suis procuré ce papier, et je vous ai répondu que peu importait. Je vais vous le dire maintenant, madame, parce qu’il est nécessaire que vous le sachiez. Ce papier appartenait à une jeune fille qui se nomme Bertille de Saugis.
    Léonora tressaillit. Elle murmura :
    – Bertille !… Je connais ce nom-là. Mais Saugis ! Qui est cette Bertille de Saugis.
    – Bertille, madame, dit Richelieu en souriant, est le prénom de cette jeune fille qui habitait rue de l’Arbre-Sec et dont on s’est fort occupé à la cour, parce que le roi en était épris.

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