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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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brutalement à la réalité. Il laissa tomber sur le jeune homme un regard où ne se voyait plus cette expression narquoise qui lui était habituelle et très sérieusement :
    – Heu !… Je crois, en effet, avoir entendu quelque chose dans ce goût !
    – Elle l’a dit ! s’écria l’amoureux, ravi de l’attention qu’on paraissait lui prêter. Ah ! ventre-veau ! le monde est à moi maintenant !…
    – Les trésors de Golconde, je veux les conquérir pour les déposer à ses pieds !… Je veux une couronne pour parer son front si noble !…
    Pardaillan le contempla un instant avec une visible bienveillance. Et de fait, il eût été difficile de trouver cavalier plus accompli.
    Il était de taille au-dessus de la moyenne, admirablement proportionné, souple, nerveux. Ses mouvements vifs, aisés. Merveilleusement musclé, il paraissait doué d’une force peu commune. Les traits fins, le teint d’une blancheur rare, les cheveux noirs, longs, naturellement bouclés, la lèvre fine, un peu dédaigneuse, surmontée d’une moustache relevée en croc. Mais la merveille de cette physionomie étincelante, qu’il était impossible de ne pas remarquer, c’était ses yeux : deux diamants noirs, immenses, le plus souvent fulgurants d’un insoutenable éclat, et parfois, comme en ce moment, d’une douceur étrange.
    La jambe nerveuse, emprisonnée dans de longues bottes en cuir souple, fauve, montant jusqu’à mi-cuisse, le talon très haut, muni d’éperons énormes, frappant le sol d’un air conquérant. La large poitrine serrée dans un pourpoint de velours gris-bleu. Pas de collerette, mais un large col rabattu, laissant à nu et bien dégagé le cou puissant, d’une blancheur marmoréenne. Il est à présumer qu’il fut l’inventeur de cette mode qui devait faire fureur quelques années plus tard. Une large écharpe de soie blanche passée en bandoulière sur le pourpoint : blanche parce qu’il avait remarqué que le blanc était la couleur préférée de Bertille. Un large feutre orné d’une grande plume rouge placée crânement de côté, des gants à poignet montant jusqu’au coude, et enfin, au ceinturon éraillé, une rapière démesurément longue.
    Tout cela quelque peu fatigué, élimé, voire même rapiécé par-ci, par-là, mais impeccablement propre, porté avec une aisance cavalière, une élégance naturelle remarquable et remarquée.
    Tel apparut Jehan le Brave aux yeux de Pardaillan qui le détaillait de ce coup d’œil prompt et sûr de l’homme habitué à peser rapidement la valeur des choses et des gens. Et il faut croire que ce fin connaisseur n’avait trouvé aucun détail à relever, car il continuait de sourire avec une bienveillance marquée.
    L’amoureux cependant continuait à laisser déborder sa joie et dans un éclat de rire plein, sonore :
    – Son père !… C’était son père ! Croyez-vous ? Et moi, misérable truand de basse truanderie, quand je pense que j’ai osé proféré… Oh ! je devrais m’arracher cette langue de vipère et la donner aux chiens !
    Et tout à coup, se rappelant :
    – Et sans vous, monsieur, j’aurais tué son père ! Car je l’aurais tué, voyez-vous, ajouta-t-il avec cette orgueilleuse assurance qui lui était personnelle. Et maintenant tout serait dit, je n’aurais plus qu’à m’aller jeter tête baissée dans la Seine. Ah ! monsieur le chevalier, comment m’acquitter… Holà ! Hé ! Etes-vous enragé ! Ventre-veau !…
    Voilà ce qui avait motivé ces exclamations.
    Pardaillan avait sans doute des raisons à lui pour ne pas se retirer. Pardaillan savait que le meilleur moyen de se faire bien voir d’un amoureux, c’est encore de le laisser parler tout son saoul, sans l’interrompre. Pardaillan, ayant décidé de ne pas quitter encore Jehan le Brave, l’écoutait avec une patience inaltérable. Seulement, si Pardaillan voulait bien écouter, il ne voyait pas la nécessité de se fatiguer. C’est pourquoi il avait monté deux marches du perron et s’était assis tranquillement, le dos appuyé à un des deux piliers. Il en résultait que Pardaillan, accroupi dans l’ombre plus opaque du pilier, demeurait invisible dans la nuit, tandis que l’amoureux, debout devant lui, se détachait nettement dans le clair-obscur.
    Or, tout en paraissant écouter attentivement, par suite d’une vieille habitude, Pardaillan, de son œil perçant, fouillait la nuit, dans toutes les directions.
    C’est ainsi

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