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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qu’il vit une ombre s’approcher sournoisement du jeune homme qui lui tournait le dos. Soudain l’ombre bondit. L’éclair blafard d’une lame large et acérée brilla dans la nuit. C’en était fait de notre amoureux et de ses rêves, si Pardaillan n’avait été là. Le geste mortel avait été si foudroyant qu’il devenait impossible d’avertir le jeune homme. Le chevalier n’hésita pas. Il saisit brusquement Jehan le Brave dans ses bras puissants, le souleva, le tira à lui.
    L’assassin, emporté par son élan, alla frapper une marche sur laquelle son couteau se brisa net.
    Dans son existence, périlleuse souvent, aventureuse toujours, Jehan avait appris depuis longtemps déjà à garder un inaltérable sang-froid devant les attaques les plus imprévues. C’est pourquoi, sans manifester ni surprise ni émotion, dès que Pardaillan le lâcha, il fit face à son agresseur et descendit les marches qu’il avait franchies malgré lui.
    Avec une promptitude et une sûreté de coup d’œil admirables, il avait tout de suite remarqué, malgré la nuit, qu’il se trouvait en présence d’un gueux – quelque détrousseur de nuit malheureux, sans doute – lequel, stupide d’étonnement, ne songeait pas à fuir et tenait encore dans sa main crispée le manche du couteau dont la lame venait de se briser. Cela suffit à Jehan. Il dédaigna de dégainer. Avec un tel adversaire, les poings suffiraient, s’il y avait lieu.
    Cependant, l’agresseur, en se trouvant face à face avec le jeune homme, d’une voix où grondait un désespoir poignant, clama :
    – Ce n’est pas lui !…
    A cette exclamation, Jehan sursauta. Pardaillan fut debout au même instant, et tous les deux, comme si la même idée leur venait en même temps, ils eurent un regard furtif vers le logis de Bertille… le logis où se trouvait le roi.
    Ce fut rapide comme un éclair. Déjà Jehan se penchait sur l’homme pour tâcher de démêler à qui il avait affaire, et une double exclamation retentit en même temps :
    – Ravaillac !…
    – Monsieur le chevalier Jehan le Brave ! Et aussitôt Ravaillac ajouta :
    – Malédiction sur moi, qui ai levé le bras sur le seul homme qui ait eu pitié de ma détresse !
    – Or çà, maître. Ravaillac, dit froidement Jehan le Brave, tu voulais donc me meurtrir ?…
    – Ne croyez pas que c’est à vous que j’en voulais ! dit vivement Ravaillac.
    – Il n’en est pas moins vrai que sans ce digne gentilhomme j’étais bellement occis !…
    Et avec ce ton de souveraine hauteur qui lui était naturel, et qui surprenait et déconcertait chez le pauvre hère qu’il paraissait être, Jehan ajouta :
    – En tout autre moment je te ferais payer cher ce geste-là, mon brave Ravaillac ! Mais aujourd’hui, mon cœur déborde de joie… Aujourd’hui, je voudrais pouvoir presser l’humanité entière dans mes bras ! Ventre-veau ! je m’en voudrais de molester un pauvre diable comme toi !… Va, je te fais grâce !
    Ravaillac hocha la tête d’un air farouche.
    – Vous me pardonnez, c’est bien !… et cela ne me surprend pas de vous. Vous êtes la jeunesse, vous êtes la force, vous êtes la bravoure, vous êtes aussi la générosité… je le savais. Mais moi qui ne suis rien de tout cela, moi qui ne sais que pleurer et prier, je sais du moins garder le souvenir d’un bienfait et je ne me pardonnerai jamais !
    – Bah ! puisque je te pardonne !… N’en parlons plus… Mais, au fait, à qui en avais-tu ? Tu as crié : « Ce n’est pas lui ! »
    Ravaillac eut une imperceptible hésitation, et d’un air morne :
    – Il y a deux jours que je n’ai pas mangé… deux jours que j’erre par les rues comme un chien perdu… Comprenez-vous ?
    – Pauvre diable ! Oui, je comprends… Tu cherchais quelque bourse assez convenablement garnie pour t’assurer le gîte et la pitance pendant quelque temps… Mais cela ne m’explique pas le : « Ce n’est pas lui ! »
    – Je suivais un seigneur dont la mise me paraissait annoncer la bourse dont vous parliez… j’ai dû le perdre de vue je ne sais comment… je ne m’en suis aperçu que lorsque je me suis vu devant vous… C’est pourquoi j’ai prononcé ces paroles.
    – Ah ! fit simplement Jehan sans insister davantage. Mais sais-tu ; que pour un homme qui, comme toi, a des principes religieux outrés à tel point qu’il a voulu endosser le froc, sais-tu que tu n’y vas pas de main morte ! Passe

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