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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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la pièce parce qu’ainsi il leur servait de table. Il y avait un banc en bois de pin et deux escabeaux dont l’un était amputé d’une jambe.
    Dans un coin, trois paillasses étaient posées côte à côte, à terre. Elles étaient munies de couvertures, mais les draps brillaient par leur absence. Il y avait une grande cheminée. Elle était bien étonnée quand, par hasard, on y faisait du feu.
    Enfin, et ceci c’était la merveille, il y avait deux lucarnes qui donnaient sur les derrières. Ce qui fait que, du haut de leur perchoir, ils découvraient des vergers, les remparts gazonnés et les fossés, le long desquels s’étendaient des jardins, des guinguettes, des jeux. Un peu plus loin, ils voyaient la Villeneuve-sur-Gravois [17] , dont une partie (celle qui avoisinait la porte Saint-Denis) était alors couverte des ruines occasionnées par l’artillerie du roi, lorsqu’il assiégeait sa bonne ville. Puis des marais, des vergers, des champs, des moulins, dont les ailes tournaient joyeusement. La campagne enfin, et la campagne présentement fleurie et embaumée. Tout un merveilleux panorama des environs du Paris d’alors dont, si fruste que fût leur nature, ils ne pouvaient pas ne pas sentir la beauté.
    Chez eux, ils étalèrent leurs provisions sur le coffre-table. Il n’y avait guère plus de deux heures qu’ils avaient dîné. Mais ils venaient de subir une des plus rudes émotions de leur vie. Et on sait que les émotions ont le don de creuser. Il leur semblait que leur estomac était creusé à un tel point que jamais ils ne parviendraient à combler le trou. Ils s’installèrent et attaquèrent les victuailles, comme s’ils eussent été à jeun depuis la veille. En même temps, ils tinrent conseil.
    De leurs observations réunies, ils tirèrent cette conclusion que Jehan devait être bien malade. Carcagne, qui avait failli se faire moine et qui avait de l’instruction, alla même jusqu’à dire qu’il le croyait possédé de quelque méchant démon qui s’acharnait à le persécuter. A son avis, quelques bonnes messes, dites à propos, suffiraient à expulser le démon. Ceci leur parut tellement évident, à tous trois, que, séance tenante, ils prélevèrent les fonds nécessaires aux messes.
    – Et quant à nous, n’avons-nous pas toujours été d’honnêtes garçons, tripes du pape ?
    – A preuve : quelqu’un s’est-il jamais avisé de dire devant nous que nous étions des voleurs ?… Non, n’est-ce pas ?… Alors ?…
    – Oui, mais, c’est son idée… Alors !…
    Il est à noter que la pensée ne leur vint pas de se dérober aux exigences de leur chef et de continuer leur genre d’existence habituel. Ils avaient promis. Ils se fussent crus déshonorés en manquant à leur parole. C’est très sincèrement qu’ils dressaient des plans pour devenir honnêtes, puisque Jehan le voulait ainsi.
    Ceci les amena tout naturellement à faire le compte de leur fortune. Ils trouvèrent qu’ils possédaient environ quatre cents livres. Somme considérable.
    Ce n’était pas tout. Ils avaient des bijoux qu’ils avaient soutirés à Concini. Ils allèrent les vendre. Ils en tirèrent la somme de deux mille huit cents livres qui, jointes aux quatre cents, faisaient trois mille deux cents livres. De quoi vivre largement toute une année. Mais…
    Gringaille avait une sœur : Perrette la Jolie, dont nous lui avons entendu parler. Perrette allait maintenant sur ses dix-sept ans. Elle méritait grandement son surnom, car elle était en effet idéalement jolie. Fille d’une ribaude et d’un truand, élevée Dieu sait comme, cette étrange fille ne s’était-elle pas avisée de demeurer honnête et de vivre péniblement de son travail ?
    Frêle et délicate, elle s’était astreinte au dur labeur de lavandière. Avec un courage rare, une volonté extraordinaire, elle s’était gardée chaste, pure de toute souillure, sage, comme ne l’étaient pas bien des filles de bonne bourgeoisie. On ne lui connaissait même pas d’amoureux.
    Elle en avait un cependant : c’était Carcagne, qui était profondément et sincèrement épris de la jeune fille. Carcagne était un truand, un mauvais garçon, un spadassin, un
bravo,
un bandit, enfin. Que pensez-vous que fit ce bandit amoureux ? Il s’en alla trouver Gringaille, lequel, à tout prendre, était le chef de famille et bonnement, honnêtement, il lui demanda la main de sa sœur. Nous vous avions bien dit que Carcagne était

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