Le Fils de Pardaillan
comprit à merveille, il indiqua qu’il se chargeait des deux jeunes filles, que le bas de la montagne était gardé et, en conséquence, qu’il tirât au large par le haut, encore libre.
Ceci fait, il se plaça entre les deux jeunes filles et se mit à descendre d’un pas ferme et assuré. A mi-côte environ, ils se trouvèrent à proximité de la troupe. Comme le chemin était assez étroit, ils durent s’engager au milieu des hommes qui montaient silencieusement, au pas accéléré. Ces hommes passèrent sans s’occuper de ce gentilhomme et de ces deux jeunes femmes.
Nous devons dire ici que Pardaillan, depuis qu’il était remonté, en flânant, vers la chapelle, avait fait le tour de la butte. Il s’était rendu compte des dispositions prises par Concini et l’officier. Il savait qu’aux environs de la porte de l’abbaye se tenaient Concini et cet officier avec une quarantaine d’hommes, moitié soldats, moitié estafiers, à la solde du Florentin.
Mais, si le bas de la montagne – c’est-à-dire le côté où se trouvaient la chapelle et l’entrée du couvent – était très bien gardé, par contre, et Pardaillan s’en était assuré, le haut ne l’était pas du tout. Cela tenait assurément à cette conviction qu’avaient Concini et l’officier, que Jehan le Brave ne pouvait pas sortir autrement que par la porte. C’est ce qui explique pourquoi Pardaillan avait fait signe à Jehan de tirer au large par le haut et pourquoi il s’en allait bien tranquille avec les deux jeunes filles. Il se disait :
– Maintenant, le jeune homme doit être loin. Lorsque Concini s’avisera de battre le haut de la montagne, il sera trop tard. Quant à la jeune fille, elle ne risque pas de rencontrer Concini… Pour rien au monde, il ne voudrait quitter la porte.
Ceci ne l’empêcha pas cependant d’avoir l’œil au guet. Fréquemment, il se retournait et s’assurait qu’ils n’étaient pas suivis. Lorsqu’ils arrivèrent, une demi-heure plus tard, à la maison de Perrette, Pardaillan était bien sûr que nul ne les avait épiés, que nul ne pourrait connaître la nouvelle retraite de Bertille. Et quant à Jehan, il devait avoir contourné maintenant le hameau de Clignancourt, en route vers la porte Saint-Denis, par où il entrerait tranquillement dans la ville.
D’autre part, comme le jeune homme avait décidé d’attendre deux ou trois jours avant de se présenter chez Perrette la Jolie, comme Bertille était résolue à ne pas bouger de la maison, gardée elle-même et à moitié cachée par un bon mur d’enceinte, il en résultait que tout était pour le mieux, et qu’à moins d’une catastrophe imprévue, elle pouvait se croire en sécurité.
Pardaillan avait un coup d’œil infaillible. Il se disait sûr de n’avoir pas été suivi. C’était vrai. Mais…
Bien avant que les deux jeunes filles et Pardaillan ne vinssent s’arrêter devant cette porte où Jehan avait failli être assassiné, un homme, dont la tête était enveloppée d’un bandeau, était venu rôder autour de cette porte. En face de cette porte, il y avait une haie qui séparait un pré voisin de l’étroit chemin qui longeait le mur d’enceinte. L’homme se mit à longer cette haie. Il trouva une petite brèche. Il s’engouffra là-dedans. Il s’écorcha bien un peu, mais il paraît que cela lui était égal.
Une fois dans le pré, l’homme revint devant la porte. Il se coucha à plat ventre dans l’herbe, assez drue, à l’abri de la haie. De là, l’homme au bandeau vit entrer Pardaillan, Bertille et Perrette. Il entendit Perrette qui disait en s’effaçant après avoir ouvert :
– Ici, vous êtes chez vous, demoiselle Bertille.
A ce nom de Bertille, l’homme avait eu un sursaut et avait regardé la jeune fille avec des yeux ardents, comme s’il avait voulu graver ses traits dans sa mémoire.
Qui était cet homme ? Comment se trouvait-il là ? et qu’y faisait-il ? C’est ce que nous dirons bientôt.
q
Chapitre 13
L orsque Jehan le Brave vit les deux jeunes filles disparaître au tournant de la place, il poussa un soupir de soulagement. Escortées par le chevalier de Pardaillan, il était bien sûr qu’elles arriveraient à destination sans encombre.
Délivré de cette appréhension, il songea à lui-même. Il ceignit son épée, qu’il avait suspendue à son cou, sous ses vêtements de femme, et qui même l’avait sérieusement gêné. Pendant qu’il faisait cette opération,
Weitere Kostenlose Bücher