Le Fils de Pardaillan
ébahis. Ils ne comprenaient pas. Ce diable de Jehan les désarçonnait toujours par ses idées aussi extraordinaires qu’imprévues.
Il vit leurs mines déconfites et il se reprocha de les avoir attristés inutilement. Il se secoua et prenant un air riant :
– Dites-moi un peu comment je vous ai rencontrés si fort à propos ? Cà, vous logiez donc ici ?… Et dans quel état vous voilà, mes drôles !…
Il avait l’air de gronder. Mais ils virent bien que c’était pour la forme. Il était content et même ému. Ils retrouvèrent comme par enchantement leur gaieté. Et ils se mirent à raconter, en l’assaisonnant de grasses plaisanteries, leur lamentable histoire, et comment ils s’étaient estimés très heureux de trouver ce gîte providentiel.
Ils racontèrent tout, même l’histoire de leur dîner chez Colline Colle, au sujet de laquelle les brocards ne furent pas épargnés à Carcagne. Jehan les écouta attentivement, riant de bon cœur avec eux, et en lui-même, il se disait :
– Pauvres bougres !… C’est pourtant pour moi qu’ils se sont imposé ces privations. Autrefois, ils n’auraient pas été réduits à cette extrémité… Comment pourrai-je jamais reconnaître tant de dévouement et d’attachement ?
Il y avait plus de deux heures que l’explosion s’était produite. Le temps avait passé sans qu’ils s’en fussent aperçus. Les trois en avaient long à raconter et comme Jehan, doucement attendri, les écoutait avec une inaltérable patience et ne leur parlait qu’avec douceur, ils étaient aux anges et n’arrêtaient pas de bavarder.
Jehan nota qu’ils omettaient de dire qu’ils avaient donné plus de la moitié de leur petite fortune à Perrette la Jolie. C’était encore une obligation de plus qu’il leur devait là. C’était grâce à ce don que Perrette s’était établie au bas de Montmartre. Indirectement il leur devait d’avoir été sauvé et d’avoir délivré sa fiancée. Il se disait cela avec attendrissement.
Les trois braves jacassaient avec une superbe insouciance. Quant à se demander comment ils sortiraient de leur souterrain, ni s’ils en sortiraient jamais, ils n’y pensaient pas. Puisque Jehan était là, ils s’en iraient quand il le déciderait.
Le jeune chef, s’il n’en disait rien, y pensait, lui. Il se mit à passer l’inspection des vivres, et après s’être rendu compte qu’ils avaient de quoi subsister une huitaine de jours, il déclara d’un air satisfait :
– C’est plus qu’il n’en faut. Nous nous en irons demain, à la nuit. Car pour ce soir, je crains que la place ne soit gardée, là-haut.
Il ne s’expliqua pas autrement. Les autres n’en demandèrent pas davantage. Puisqu’il disait qu’ils s’en iraient le lendemain, c’était comme si c’était fait.
Les trois s’activèrent, préparèrent les lits – c’est-à-dire les bottes de paille – et le feu pour le repas. Pendant ce temps, Jehan allait et venait, furetait partout, étudiait minutieusement les lieux. A plusieurs reprises, il monta les marches de l’escalier, et l’oreille collée contre la dalle, il écouta attentivement. Il songea :
– Je n’entends rien, et pour cause. Le feu couve toujours là-haut. Ils n’auraient garde d’approcher de trop près… Reste à savoir si ce feu sera complètement éteint demain ?… Je pense que oui. Enfin, attendons. Rien ne me presse… Et ici, du moins, je suis à l’abri de la tentation d’aller rôder du côté de la maison de Perrette.
On remarquera qu’il n’avait aucune inquiétude au sujet de Bertille. Sa confiance en Pardaillan se manifestait là. Puisque le chevalier s’était chargé de la jeune fille, elle devait être en sûreté. Cela ne faisait aucun doute.
En fouillant à droite et à gauche dans le caveau, il aperçut dans un coin un objet brillant. Il le ramassa et murmura :
– Qu’est-ce que cela ?…
Cela, c’était l’étui que Colline Colle avait pris dans la cassette de Bertille, que Carcagne avait soustrait à la matrone et qu’il avait perdu ou jeté.
Jehan l’ouvrit et prit l’unique papier qu’il contenait. Carcagne, ni Colline Colle n’avaient pu le lire, parce qu’il était écrit en une langue étrangère. C’était de l’italien. Nous savons que le fils de Pardaillan comprenait cette langue. Il se mit à lire.
C’était une quatrième copie du document que le frère Parfait Goulard avait extorqué à Colline Colle.
Jehan le
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